Peux-tu nous parler de ton univers en quelques mots ?
En quelques mots ? ça va être compliqué… (rires)
Je suis un pur produit régional. Gamin, j’étais à Biarritz, je suis ensuite allé en pension à Pau, puis je suis parti étudier à Bordeaux. Je suis façonné donc par notre région du Sud-Ouest.
J’ai étudié à l’école des Beaux-arts qui est une formation qui, quoi qu’il arrive après, te façonne elle aussi car c’est un univers très fort en soit, je m’y suis senti à l’aise très rapidement.
Je suis quelqu’un de passionné par l’art contemporain, et j’ai toujours été animé par le désir de partager cette passion avec le grand public, ainsi que par celui de porter des projets à plusieurs. La dimension collective m’importe particulièrement !
J’ai été très marqué par les situationnistes, par le mouvement Dada. Il y a eu d’ailleurs récemment une expo à La Maison Rouge qui parle de l’engagement collectif et artistique et qui exprime un peu mon idée de l’affiliation d’un mouvement dans l’art.
Lorsque je suis sorti de l’école, j’ai porté le projet d’un catalogue de vente par correspondance d’oeuvres d’art qui s’appelait Buy-Sellf. Ce projet a été extrêmement fondateur, et aujourd’hui, je continue encore à animer mon engagement au sein de la structure Zébra3 dont je suis le directeur.
Le projet Buy-Sellf m’a permis de concrétiser ma propre approche de la notion de collectif, et de créer des réseaux avec plein d’artistes au niveau national, comme international. C’était comme une sorte de nébuleuse, avant Internet. C’était dans les années 90, et à l’époque, on s’écrivait des lettres et on s’envoyait des disquettes…
Le fait que cela ait été un catalogue de vente par correspondance a aussi permis de tester l’idée de s’adresser à un public hyper large, du moins en ce qui concerne l’art contemporain. C’était une sorte de détournement, un exercice de style. On détournait le concept du catalogue de vente par correspondance du type la redoute pour vendre des oeuvres d’artistes. On familiarisait le public et on décomplexait le milieu de l’art contemporain par l’approche. Cela nous a permis de créer un réseau d’artistes dans le monde entier, et avec qui nous continuons d’ailleurs de collaborer !
Zébra3 est la structure associative qui a porté le projet du catalogue Buy-Sellf; et grâce à ce projet qui a eu un certain succès, nous avons été invités dans de nombreux endroits pour faire des expositions, des évènements, … Au fil de ces expositions, nous avons continué d’essayer d’agréger des communauté d’artistes; d’où cette “amicale d’artistes” avec qui nous collaborerons.
Nous avons toujours fonctionné de manière “rhizomique”.
A partir de 2003, nous nous sommes beaucoup intéressés à la question de la production des oeuvres d’art en général, mais toujours dans les arts plastiques. Nous avons alors commencé à monter un petit atelier dans lequel nous construisions des oeuvres pour d’autres artistes, où nous leur permettions d’étudier leur projet, sa construction… Petit à petit, on a amélioré cet atelier, nous l’avons ouvert aux artistes de notre territoire, à ceux venant “simplement” pour créer, avec des principes de résidence, mais aussi pour les artistes qui sont invités par d’autres structures. L’atelier a pris pas mal d’ampleur pour devenir un outil au service des créateurs dans les arts visuel.
Aujourd’hui, Zébra3 est en phase de développement. Nous essayons d’ouvrir de plus en plus le service de l’atelier, et de faire en sorte qu’il soit accessible, et qu’il offre les meilleurs conditions possibles aux artistes : équipement, espace, de la céramique, du modelage, de l’étude, avec des techniciens pouvant accompagner les artistes pour certaines réalisations.
En parallèle de l’atelier, nous nous sommes beaucoup intéressés à la question de l’art dans l’espace public, ce qui est un peu une extension de ce que nous voulions faire avec le catalogue Buy-Sellf, c’est-à-dire s’adresser à un public large.
Nous animons une programmation en centre-ville de Bordeaux, dans une vitrine place du Parlement. Le projet s’appelle Crystal Palace et fonctionne un peu comme un espace privé qui est en extension dans l’espace public, espace dans lequel nous avons une programmation tous les 2 mois.
Nous accompagnons également beaucoup d’artistes sur des appels à projet en lien avec l’espace public. C’est le cas dans la commande Garonne qui est un gros dispositif artistique public porté par Bordeaux Métropole, mais c’est aussi le cas pour répondre au 1% un peu partout, comme des collèges, lycées…
«Je suis quelqu’un de passionné par l’art contemporain, et j’ai toujours été animé par le désir de partager cette passion avec le grand public, ainsi que celui de porter des projets à plusieurs.»
Comment devient-on directeur d’une structure telle que Zebra 3 ?
Je suis passé de créatif à directeur de structure très lentement, pas à pas, et je ne suis pas au bout du chemin. (rires)
Je m’adapte au projet Zébra3 qui évolue, qui s’adapte lui-même… Un peu de manière empirique. C’est d’ailleurs un peu comme ça que fonctionnent les plasticiens.
C’est finalement l’expérience qui façonne le projet.
Soulages dit d’ailleurs “C’est lorsque je trouve que je sais ce que je cherche” et c’est exactement comme ça que je définirais le projet. Projet que l’on essaie de définir avec des outils qui nous permettent de nous projeter dans l’avenir mais nous continuons de saisir des opportunités. Il faut que nous arrivions à garder cette forme d’agilité. Nous sommes des opérateurs indépendants.
Je suis à la tête d’un projet que j’ai créé, que j’ai fondé et c’est ce qui m’anime. J’ai imaginé avec d’autres personnes le catalogue, j’ai imaginé avec d’autres toutes les expositions, avec d’autres collègues et d’autres artistes avec qui j’ai coopéré.
C’est peut-être en faisant du théâtre que j’ai développé mon goût à la vie de troupe; et puis je suis de nature sociable en général !
Après mon bac, j’avais une vision assez fantasmée des Beaux-arts que j’ai voulu faire pour des raisons que je ne suis pas capable d’expliquer… Et finalement, je me suis investi un peu toujours de la même manière, j’avais une forme d’énergie que j’avais besoin d’investir. Donc au départ, je faisais des barbecues, ensuite des soirées, jusqu’à devenir directeur de Zébra3. (rires)
«Soulages dit d’ailleurs “C’est lorsque je trouve que je sais ce que je cherche”. et c’est exactement comme ça que je définirais le projet»
Y-a-t-il une personne qui t’a influencé professionnellement ?
Il y en a plein !
A l’école, dans ma période d’apprentissage, il y avait mon prof Michel Aphesbero. Il animait l’atelier “Pensées nomades - Choses imprimées” avec d’autres profs qui mêlait à la fois des projets éditoriaux de groupe et des voyages. Il y avait dans cet atelier un peu tous les éléments qui constituent mon travail maintenant et que je considère même nécessaires à l’émergence… Donc les voyages, et l’Autre, le fait de travailler ensemble, à plusieurs.
J’ai aussi été très souvent aux Etats-unis dans les années 90 et j’y ai rencontré un artiste pop américain, Tony Matelli, avec qui je continue d’entretenir des relations assez particulières.
Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?
Nous travaillons sur un projet à long terme qui s’appelle “Les refuges périurbains” que l’on porte avec l’association Bruit du Frigo, avec laquelle on a également cofondé le projet coopératif de La Fabrique Pola.
Nous travaillons aussi sur une sorte de dispositif qui consiste à accompagner 4 jeunes diplômés de l’école des Beaux-Arts pendant 1 an. Cela s’appelle “La Grande Evasion” et c’est un projet co-porté par La Fabrique Pola et l’école des Beaux-Arts de Bordeaux.
Nous travaillons également sur le prochain échange qui aura lieu début 2018 avec la ville de Québec. C’est un échange entre Québec et Bordeaux sur le principe de résidence croisée.
D’ailleurs, beaucoup de projets sur lesquels nous travaillons sont des échanges, comme celui avec Le Confort Moderne à Poitiers qui va programmer chez nous, et réciproquement.
Quel autre métier aurais-tu aimé faire ?
Commissaire de police, mais sur de bonnes enquêtes. Je parle d’enquêter, pas conduire le berlingo bleu blanc rouge, hein ?! (rires)
As-tu un artiste coup de coeur à nous faire découvrir ?
Nelson Pernisco, c’est un jeune artiste assez engagé, et qui fait parti du collectif Wonder, installé en banlieue parisienne.
Nelson Pernisco fait de la performance, des sculptures et des installations.
Quel morceau de musique écoutes-tu en ce moment ?
J’écoute malheureusement de moins en moins de musique.
Mais ce qui évoque pas mal de trucs pour moi, c’est le groupe américain Silver Jews
Un lieux où tu aimes aller ?
A la montagne, dans la vallée d’Ossau.
Une passion autre que l’art contemporain ?
La politique.
Une personne à nous recommander pour 10point15 ?
A Québec, je dirais le collectif BGL.
A Paris, je dirais peut-être Xavier Boussiron qui fait de la musique et du théâtre.