Joanna, peux-tu nous parler de toi, de ton parcours ?
La Bicyclette est née en mars 2017. C’est l’aboutissement de ma formation et des envies professionnelles qui me tenaient à coeur depuis toutes ces années. J’y propose mes services de fleuriste et j’y expose des objets de créateurs sélectionnés par mes soins. Tous les jours je me lève pour faire un job qui me plaît !
Je m’appelle Joanna Huneau et j’ai 26 ans. Cela fait bientôt 10 ans que je travaille dans le domaine de la fleur. Contrairement à de nombreuses personnes, j’ai eu la chance de savoir dès mon plus jeune âge que je voulais être fleuriste et cela a été une grande chance. Quand j’étais encore sur les bancs de l’école, j’ai croisé le chemin d’une personne dont c’était le métier et cela a été une véritable révélation pour moi. J’ai découvert la voie que je voulais suivre tout au long de ma vie et je ne pourrais plus m’en séparer.Dans le domaine, mon parcours est plutôt classique. Je suis rentrée très rapidement dans ma formation professionnelle, CAP et BP de fleuriste. Avant ça, je n’étais pas trop intéressée par les cours, j’ai vraiment subi toute la première partie du cursus scolaire (rires). Du coup, mes quatres années d’études en alternance m’ont vraiment conforté dans mon projet. J’ai ensuite travaillé dans une petite structure, loin des chaines de fleuristes classiques, jusqu’à monter aujourd’hui mon propre projet.
D’où vient cette passion pour la fleur ?
Je ne peux pas vraiment l’expliquer mais c’est vrai que j’ai toujours vu mon grand-père offrir des bouquets à ma grand-mère, bouquets qu’il confectionnait avec les fleurs de son jardin. Je trouvais ça fascinant !
Ensuite, ce qui m’a vraiment conforté, c’est le coup de coeur humain pour mon maître d’apprentissage que j’ai rencontré à mes débuts, Huguette Suau. Elle a depuis cessé son activité car elle n’était plus toute jeune, mais elle a toujours réussi à se réinventer. Huguette a su faire évoluer son métier, de ses débuts sur les marchés jusqu’à la création de sa propre boutique au décor soigné, son parcours m’a beaucoup influencé.Elle a su me transmettre son savoir mais surtout la passion des fleurs. J’en parlais il n’y a pas si longtemps avec d’autres fleuristes et nous étions tous d’accord pour dire que la fleur est une véritable passion, une fois tombé dedans, c’est trop tard. Même si les conditions de travail ne sont pas les plus faciles surtout à cause de nos horaires compliqués, nous sommes des passionnés autour de la fleur au sens littéral et littéraire du terme (rires). Les difficultés, on ne les voit pas.
Quelle est ta journée type ?
Ma journée type n’est pas vraiment régulière, le champ de mes activités est assez large et pas forcément constant. Le matin tu rentres, tu installes tes plantes, tu fais ta préparation d’étalage, on peut t’appeler pour de petits bouquets, de la petite confection mais je m’occupe aussi d’installations pour des vitrines, des restaurants, jusqu'au réceptions de mariage où mon intervention prend place dans l’espace. Ce n’est vraiment pas linéaire et c’est beaucoup de rencontres sur une échelle plus locale. J’ai des jours hyper calmes et d’autres où je cours partout.
Quelles sont les personnes qui ont le plus influencé ton parcours ?
J’ai des fleuristes fétiches que j’affectionne particulièrement : Hattie Fox qui a ouvert sa boutique That Flower Shop dans Shoreditch à Londres ou encore Anna Potter , une anglaise qui a créé sa boutique Swallows and Damsons à Sheffield. Elle est la figure de proue d’un classicisme revisité. Certaines de ses photos ressemblent à de véritables peintures. Je l’ai découverte sur Instagram et je la trouve fascinante. Elle travaille sur des compositions de fleurs sauvages très originales. Elle travaille la fleur sans faire de bouquets ronds, ils sont plutôt déstructurés. Un peu de feuillage à gauche, un peu de branchage à droite qui dépasse, c’est comme un paysage naturel à lui seul, je suis hyper fan !
Je pourrais te donner une liste de 40 fleuristes que j’aime mais globalement, j’ai vraiment une préférence pour les fleuristes anglo-saxons et américains qui insufflent une nouvelle manière de travailler la fleur. En France, on est resté pendant longtemps sur des formes de bouquets classiques où rien ne dépasse, des choses très symétriques alors que les anglo-saxons ont cette capacité à réinventer le classique en lui insufflant un véritable côté sauvage, plus “lâché”, que j’aime beaucoup. Pour être un peu chauvine, je te citerais néanmoins le travail d’une française, Nue Paris, que j’apprécie beaucoup. (rires)
«À partir du moment où cela retranscrit un paysage naturel je suis heureuse.»
De mon côté, dans toutes ces influences, mon travail sur un bouquet s’arrête quand je suis satisfaite de ma représentation de la nature. Parfois, je me dis que je pourrais ne faire que des bouquets de feuillages, ça me plairait vraiment. À partir du moment où cela retranscrit un paysage naturel je suis heureuse.
Quelles sont tes autres sources d’inspirations ?
Je ne trouverais jamais autant d’inspiration que dans la nature, je parle au niveau de la fleur. Après, je suis influencée par tellement de choses, tellement d’artistes me transportent, je pourrais te faire une liste très longue. Je pense que l’on crée en écho à la culture qui nous entoure. Par exemple, j’ai des goûts musicaux très rock qui déteignent sur les couleurs que j’affectionne.
L’art m’a toujours beaucoup intéressée par son côté pratique, plus que théorique. En parallèle de mes études, je peignais beaucoup, c’était néanmoins plus un plaisir personnel qu’une volonté d’en faire mon activité professionnelle, mais du coup, j’ai mon lot de références, et la peinture m’influence aussi beaucoup dans la pratique de mon activité.
Je m'inspire de la légèreté d’une peinture, de la couleur d'une autre. Je crois que ma créativité dépend d'énormément de facteurs tous très différents. Tu pourrais revenir me voir dans un mois et je pourrais avoir découvert un nouvel artiste sur lequel je serais à fond. En fait, c’est juste qu’il faut être curieux; dès qu’un métier est créatif, il faut selon moi s’efforcer d’entretenir cette curiosité.
On ne crée plus, on s’inspire de multiples influences. C’est ce qui fait la richesse de notre production et qui contribue à notre évolution artistique.
Avec la fleur, on est forcément sous l’influence des intérieurs de nos clients, de leur décoration, le design de leurs meubles… Je ne pense pas que je pourrais me cantonner à un seul univers. Il faut être au plus juste de ce que l’on fait et qui nous ressemble.
Ce n’est pas une profession linéaire, il y a des tendances, des avancées, des renouvellements de styles, cela évolue beaucoup au fil des années.
«Il y a tellement de choses incroyables en terme de création aujourd’hui, c’est fascinant.»
Dernièrement, j’ai vu le travail de Charlie Le Mindu exposé à la base sous marine de Bordeaux et j’ai pris une grosse claque. Il travaille avec le cheveux pour médium et j’ai trouvé des similitudes avec mon activité. C’est un artisan qui a su faire évoluer sa pratique vers l’artistique. A priori, il est hyper connu et quand je l’ai découvert je suis restée bouche bée : “le mec fait des trucs avec des cheveux !”
Il y a tellement de choses incroyables en terme de création aujourd’hui, c’est fascinant.
Quel autre métier aurais-tu voulu faire ?
Vivre de ma production artistique m’aurait plu mais je fais partie de ces personnes que la famille n’aurait jamais laissé être artiste : “On ne gagne pas sa vie en étant artiste” (rires). On a beau rêver de cette vie là, il n’y a pas beaucoup d’élus. J’ai un peu l’impression qu’il faut être soit excellent dans son domaine, soit rentier (rires). Non sans rire, je compte me pencher sur une production artistique plus personnelle dès que je trouverais un peu de temps.
Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?
Je démarre mon process de réflexion sur cette démarche artistique, mais avec l’ouverture de ma boutique, je ne veux pas me mettre une pression supplémentaire. Je vous en parlerai en tant voulu. Donc joker !
Quel est le morceau que tu écoutes en ce moment ?
En ce moment je suis à fond sur Shawn James et notamment sa chanson “Number of the beast”. Il a fait un album de covers génial et celle-ci d’Iron Maiden est vraiment top.
Pour moi, plus une voix sent le whisky et la clope et plus elle me touche. Je suis fan des bonnes voix masculines bien graves, tu sais celle de ton grand oncle qui prend des cuites et chante du blues (rires).
Une anecdote à nous raconter ?
Il ne m’est pas encore arrivé de “truc de fou” ici. Je te répondrais qu’à La Bicyclette, on y passe toujours même si ce n’est pas pour acheter des fleurs. On y passe prendre le café, discuter, échanger, un peu comme dans le bar du quartier (rires). J’aime ma petite vie ici à Saint Michel, j’organise régulièrement des after work avec des créateurs qui viennent à la boutique, des musiciens qui jouent en live. Cela crée de très beaux moments, du “vivre ensemble”.
Un lieu en particulier où tu aimes te rendre ?
Là où je suis le mieux, c’est perdue, isolée au fin fond de la montagne, dans les Pyrénées où dans un bar bien crasseux avec du rock en fond sonore et une bière à la main ! Et Dieu sait s’il y en a à Bordeaux (rires).
Quelle personnalité nous recommanderais-tu d’interviewer pour 10point15 ?
Je passerais bien le flambeau aux copains de L'Astrodøme. C’est à la fois un collectif de musiciens, une association, un lieu de répétition, de résidence, des showcases souterrains, de la musique live, une petite boîte à musique amplifiée au cœur de Bordeaux. Je suis fan de leur projet et de l’énergie qu’ils y mettent.