Rencontre avec la dessinatrice et carnettiste Julie Blaquié dans son jardin à Bordeaux. Animée par les rencontres, elle partage avec nous sa vision de la discipline et son rapport décomplexé à l’art. Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.

Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ?

Je travaille comme dessinatrice depuis 2013. Je dis dessinatrice car j’applique le dessin à pleins de formes et de commandes différentes, comme des livres pour enfant, des affiches ou des ateliers. Je fais beaucoup de carnets de voyage, c’est par là que j’ai été amenée à être exposée pour la première fois et à animer mes premiers ateliers pour enfants.

Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.
Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.

On me demande souvent quel est mon style mais aujourd’hui, je touche encore à tout. Idéalement, j’aimerai aller vers la bande-dessinée et le roman graphique plutôt destiné à un public adulte. Je suis fan d’artistes de BD comme Marjane Satrapi, la créatrice de Persepolis ou encore Joann Sfar. J’aime bien les romans un peu psychodramatiques. Je me mets moi-même en scène et j’aime beaucoup créer des personnages. Sinon, comme leitmotiv, j’utilise beaucoup l’aquarelle, le stylo feutre et le crayon de couleurs.

Comment as-tu commencé à dessiner ?

J’ai une licence en art appliqué. Une professeure nous encourageait à nous lâcher, à dessiner directement au stylo sans passer par le crayon à papier. Elle m’a permis de faire un gros bond en avant.

«En Bolivie, j’ai imprimé des cartes postales que je vendais aux touristes»

Ensuite, j’ai  travaillé pendant 6 ans dans le web design dans une entreprise locale. Puis, en 2011, à 29 ans, j’ai décidé de prendre une année sabbatique. Juste avant de partir, je suis allée voir une exposition à Paris qui m’a vraiment donné envie de réaliser le beau carnet de voyage. Je suis partie pendant un an, seule avec mon sac à dos et deux carnets. J’ai passé 5 mois en Asie, 2 mois en Californie et 5 mois en Amérique Latine.

Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.

Le fait de beaucoup dessiner sans contrainte et quand j’en avais envie, c’était très bien. Pendant ce tour du monde, j’ai rencontré beaucoup de personnes bienveillantes qui m’ont encouragées. En Bolivie, j’ai imprimé des cartes postales que je vendais aux touristes.

Comment est née ton amour pour cette discipline ?

Avant ce voyage, je ne montrais mes dessins à personne. C’était même inconcevable de les éditer ou de les exposer. Lorsque je suis revenue de mon tour du monde, j’ai envoyé une demande de participation à la plus grande rencontre de carnettistes européens : le Rendez-vous des carnets de voyage de Clermont-Ferrand et j’ai été retenue. Au mois de novembre de la même année, j’ai exposé pour la première fois.

 

Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.

Cet événement m’a donné des ailes. Ensuite, quand je suis rentrée à Bordeaux, j’ai trouvé un lieu pour exposer et un lieu pour animer des ateliers.

Quelle est ton approche du dessin ?

À mon retour à Bordeaux en 2012, après cette exposition, j’avais envie de rencontrer des gens qui dessinaient comme moi.

En surfant sur internet, j’ai découvert les “Urban Sketchers” : une communauté de dessinateurs qui promeut le dessin sur le vif et l’organisation de rencontres et de balades dessinés. Des rassemblements ont lieu partout dans le monde là où il y a une bonne âme pour organiser un événement. Pour certains organisateurs, il s’agit surtout de trouver un prétexte pour dessiner !

Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.

Ici, à Bordeaux, de tels initiatives n’existaient pas. Alors, j’ai rejoint la communauté et un an plus tard, je proposais le premier Sketchcrawl gratuit sur Bordeaux avec quelqu’un qui partageait la même envie.

Ces événements se déroulent tous les 3 mois. Grâce à ce projet, j’ai participé à des rencontres à Barcelone, à Singapour, à Lyon, à Manchester, en Bretagne…

«Il faut désacraliser son rapport à l’art»

Mon ambition est de montrer aux gens que le but de dessiner se trouve d’abord dans le fait de se faire plaisir, dans l’action, plus que dans le résultat. Il faut désacraliser son rapport à l’art. Beaucoup de personnes pensent que l’on naît avec un talent ou un don. Un de mes objectifs lorsque j’anime des ateliers ou lorsque je dessine avec des amis, c’est de privilégier le geste et l’action.

Peux-tu nous parler de l’histoire de la pratique de carnettiste et de tes carnettistes contemporains préférés ?

Eugène Delacroix est le plus célèbre. C’est le premier à avoir ramené beaucoup de croquis. Il est parti au Maroc plusieurs mois et à partir du moment où il est rentré à Paris, toute son œuvre s’est inspirée de ses carnets de voyage. Il y a aussi tous les naturalistes qui sont partis en Amazonie.

Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.
Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.

Aujourd’hui, j’adore le travail d'Inma Serrano qui habite à Séville. Elle a un dessin très libre, très expressif et elle produit beaucoup. Puis, j’aime beaucoup le travail de Lapin, c’est un artiste français qui travaille à Barcelone.

Un lieu ou tu aimes dessiner ?

C’est plus facile d’être émerveillé par ce qui est nouveau et exotique que de dessiner ce qu’il se passe dans sa rue et dans sa maison. Pourtant, j’aime beaucoup dessiner mon quotidien et trouver du charme dans mon environnement.

Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.
Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.

De retour de voyage, j’ai réalisé de nombreux croquis sur les habitants du quartier Saint Michel à Bordeaux. J’ai mis en page ces dessins dans une publication que j’ai auto-édité. Ce projet prend la forme d’un carnet où, des écritures accompagnent les dessins, pour exprimer ce que je ressens et ce que j’entends.

J’ai également réalisé un projet de dessins des femmes du quartier de la gare avec l’écrivaine et rédactrice de scénario Caroline Cochet.

Sur quel(s) projet(s) travailles-tu en ce moment ?

Avec Marie Le Rouge, une amie pâtissière et avec une personne qui conte en faisant des gâteaux, nous réalisons un atelier où les enfants confectionnent des cannelés pendant que je produis des dessins en direct.

L’idée est venue de “L’Ogre de Bordeaux” un album jeunesse écrit par la conteuse France Quatromme et que j’ai illustré. C’est l’histoire de la création des cannelés : une rencontre entre un petit garçon qui adore les pâtisseries et un ogre bourru, mal léché, qui vit reclus chez lui. L’ogre va oser critiquer le travail du petit garçon et va lui souffler des idées pour que le petit garçon progresse dans sa recette et trouve la bonne.

Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.
Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.
Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.

Pour l’occasion, un comédien incarne l’ogre. On rigole beaucoup. Nous avons d’abord testé l’atelier au café associatif : le « Petit grain » à Bordeaux où il y eu beaucoup de succès. Nous souhaitons maintenant le proposer aux médiathèques et foyers sociaux.

Cette année, j’anime aussi un atelier dessin de modèle vivant les jeudis soirs à l’Atelier Garance à Caudéran.

Quels sont tes projets à venir ?

Du 16 au 17 février 2019, je serai au salon du livre jeunesse d’Arcachon pour présenter L’Ogre de Bordeaux.

Sinon, avec Sophie Bataille, nous travaillons sur un clip en dessin animé pour le musicien bordelais Jérémie Malodj’. Nous travaillons avec Julien Passemard qui est un pro de l’animation 3D. Sophie s’occupe du décor et moi des personnages. Le clip sortira au début du printemps 2019.

Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.
Julie Blaquié, Carnettiste et Dessinatrice à Bordeaux.

Fin décembre, je pars en voyage au Mexique, l’occasion pour moi de faire un carnet de voyage sur ce pays haut en couleurs et caliente ! Je souhaite passer du temps dans la région de Oaxaca qui m’avait beaucoup plu en 2011.

Est-ce qu’il y a une musique qui t’inspire actuellement ?

J’ai beaucoup réfléchi et j’ai choisi Misread de King of Convinience.

Un autre artiste à recommander pour 10point15 ?

Magalie Darsouze qui fait du dessin et de la peinture. C’est une personne très impliquée qui est artiste jusqu’au bout des ongles.

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