C’est au rez-de-chaussée d’une charmante maison toulousaine que se niche l’atelier de poterie de Mathieu Hettema. Ce jeune céramiste, lauréat du Prix Créactiv’ Artisanat, souhaite proposer une autre lecture de son médium. Il interpelle les enfants par ses interprétations des fables de La Fontaine mais arrive aussi à toucher notre regard d’adulte par la subtilité et la sincérité de son travail. C’est avec une grande passion et une pédagogie sans borne, autant autour d’un thé qu’avec les mains recouvertes de terre mouillée, qu’il nous fait découvrir son univers. Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

Peux-tu nous parler de toi et de ton activité de céramiste-potier ?

«L’apprentissage de toute une vie fait la beauté de ce métier»

Je m’appelle Mathieu Hettema, je suis céramiste-potier depuis 3 ans, installé à Balma dans la périphérie de Toulouse, où j’ai grandi.

Je produis des pièces utilitaires en grès, des pièces uniques, des pièces sur commande. Je donne également des cours de poterie chez moi deux fois par semaine, mais aussi à l’Espace Croix-Baragnon et chez Airbus.

L’apprentissage de toute une vie fait la beauté de ce métier ; même si je me lasse d’un style, je ne peux pas me lasser du médium, les possibilités sont sans fin : vases, bijoux, mobilier, on peut l’exploiter en porcelaine, en grès, en raku, au feu à bois, etc. Le métier est certes physique et éprouvant mais il en vaut tellement la peine. Je suis heureux de me demander le matin “mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire aujourd’hui ?”. Je produis donc des pièces en pensant aux autres tout en me faisant plaisir, c’est vraiment jouissif.

 

Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

D’où te vient cette passion pour la céramique ?

Petit, la poterie était une activité extra scolaire. Par la suite, étant ado, je me suis un peu désintéressé du sujet : les cours, les potes… On change d’envies, j’ai un peu mis ce hobby en stand-by.

«Ça a été la révélation (…). C’est là que l’aventure a commencé»

Après mon Bac, j’ai suivi un cursus de Design à ESIN-Polycréa à Toulouse pendant lequel j’ai dû faire un stage en entreprise et je suis allé chez une potière, Hélène Hostein-Noé. Ça a été la révélation, ça allait complètement dans la continuité de mes études de design sauf que là, c’était choisir un médium en particulier. Une fois mes études de Design terminées, j’ai intégré l’Institut Européen des Arts Céramiques à côté de Mulhouse. C’est là que l’aventure a commencé.

Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

Y a-t-il une personne qui t’a particulièrement marquée ou influencée ?

J’ai évoqué tout à l’heure Hélène Hostein-Noé, qui est en fait la cousine de ma mère et qui m’a pris en stage un nombre incalculable de fois. C’est avec elle que j’ai beaucoup appris sur le métier de potier.

Et puis il y a Pierre Dutertre qui m’a également pris en stage. Il est une figure marquante du milieu, fondateur de l’association de céramistes “Le printemps des potiers” dans le sud. Il est entouré d’un bon staff qui organise des expos, des rencontres professionnelles, des marchés. Pour moi c’est comme avoir un pied dans la grande famille des potiers. C’est inspirant d’avoir quelqu’un qui se bouge autant pour le monde de la céramique, qui fédère… Et pour cela il est admirable.

 
Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.
Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

Quels sont tes projets en ce moment et à venir ?

«Ce travail est aussi un moyen pour moi de m’approprier un peu ce qui me semble intouchable»

Actuellement je suis en train de faire des Chawans, des bols japonais conçus pour la cérémonie du thé. La particularité de ces bols est qu’ils ont tous des défauts. Chaque défaut caractérise les pièces et crée leur singularité. L’univers du Japon, sa culture, me fascine à beaucoup de niveaux. La culture céramique y est très importante et ancienne. Ce travail était aussi un moyen pour moi de m’approprier un peu ce qui me semble intouchable.

En parallèle, je travaille sur des villages nichoirs à oiseaux cuits en four Anagama, chez un ami, Tristan Chambaud-Héraud. Un four Anagama est d’inspiration asiatique, il fonctionne au bois. C’est un four couché le long d’une colline, dans lequel on peut mettre des milliers de pièces. La cuisson est particulièrement longue, le four tourne pendant 5 ou 6 jours d’affilé, et il faut alimenter le feu sur toute la durée de la cuisson.

 
Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.
Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

Quel autre métier aurais tu aimé faire ?

Mon boulot rêvé aurait été d’être comme ces gens qui visitent des pays avant de proposer des tours et des vacances organisées… (rire) J’adore voyager. Sinon, j’ai toujours aimé dessiner, et faire des BD m’aurait plu… Mais c’est difficile de percer, tout comme dans le milieu de la poterie, c’est un métier d’acharnés. L’univers de l’illustration se reflète tout de même dans mon travail de céramiste. À la base, c’est parti de mes croquis rapides que je faisais en 2D sur des assiettes, puis je me suis rendu compte que je pouvais complètement faire vivre des croquis en 3D. Ça a donné des petits cadres puis par la suite des mini théâtres. De là j’ai eu l’idée de créer de grands théâtres qui me servent à exposer mes petits objets et boîtes.

«Des idées, des envies qui viennent se compléter…Ce sont des moments que j’aime particulièrement vivre dans mon métier.»

Chaque boulot et chaque projet en alimente un autre. Des idées, des envies qui viennent se compléter. Des évolutions qui créent un ensemble. Ce sont des moments que j’aime particulièrement vivre dans mon métier surtout quand tout coule de source, quand j’ai “l’eureka” qui fait évoluer toute la chaîne de production et qui complète ma réflexion.

 
Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.
Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

Quelles sont tes inspirations artistiques ?

«(…) je suis beaucoup plus marqué par des petits détails du quotidien.»

Beaucoup de choses m’inspirent : les civilisations et leur culture, les mangas, la sculpture et chaque potier que je rencontre m’inspire également. Il y a des travaux que j’aime particulièrement mais ce ne sont pas forcément ceux qui me font le plus évoluer, je suis beaucoup plus marqué par des petits détails du quotidien. J’intègre souvent des choses à mes productions qui n’ont aucun rapport. Je vois parfois des boulots que je n’aime pas esthétiquement, mais une forme ou un détail va me rester en tête, et je vais me le ré-approprier ou le ré-interpréter à ma manière. Je vais finalement pondre quelque chose de complètement différent, où il y a une deuxième lecture. Ma lecture.

Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

Un artiste coup de coeur à nous faire découvrir ?

Christina Guwang fait de l’utilitaire : bols, décorations etc… J’adore son travail. Johnson Cheung Shing Tsang également fait de la belle porcelaine, je ne mettrais pas ses pièces dans mon salon, mais c’est d’une qualité de production absolument ahurissante. Leur rigueur m’interpelle, il y a un réel défi technique, leurs pièces sont parfaites !

 
Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.
Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

Un morceau que tu écoutes en ce moment ?

J’attends avec impatience l’album de Ala.ni, et en attendant j’écoute en boucle Asaf Avidan et “Heads up” de Jain, les paroles sont top et très positives.

 

Une anecdote à nous raconter ?

L’anecdote ne me concerne pas directement mais elle est vraiment drôle. Ça s’est passé cet été sur un marché des Potiers. Il faut savoir que les marchés sont très physiques.  Tout d’abord on emballe les pièces, on charge le camion, puis ensuite il y a la route. Une fois arrivés, nous mettons en place avant 7h du matin, donc en gros on ne dort pas des masses et on est déjà bien crevés en arrivant sur le marché. Le dernier en date était assez mal indiqué… il y avait la route pour les voitures d’un côté et des escaliers de l’autre, et un des potiers n’a pas capté, il est passé avec la voiture dans les escaliers et la voiture est restée coincée, mais heureusement son stock n’a pas été cassé… les gens ne se rendent pas compte mais il s’en passe des choses hallucinantes en coulisse! (rires)

Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

Qui nous recommanderais-tu de rencontrer pour 10point15 ?

Je vous recommande un couple d’amis, Benjamin Tailland et Solène Bucci, potiers également. Ils ont leur atelier dans le Lot. Ils ont un travail d’une grande qualité, c’est très beau et égal à ce qu’ils dégagent. Ils sont adorables, ce sont devenus des amis. Nous nous sommes rencontrés sur le printemps des Potiers il y a 5 ans, on faisait partie de l’association et de l’organisation. Benjamin m’a présenté Tristan Chambaud-Héraud par la suite… Le milieu des potiers est comparable à une grande famille. Les rencontres fédèrent de nouveaux projets. C’est très enrichissant !

Mathieu Hettema, Céramiste et Potier à Toulouse.

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