Peux-tu nous parler de toi et de ton activité en quelques mots ?
Je m’appelle Patxi Tambourindeguy, j’ai 34 ans, et je joue à la pelote basque, la cesta punta, depuis l’âge de 6 ans. J’ai joué en amateur club jusqu’à mes 22 ans, et je suis ensuite parti aux Etats-unis pour faire une carrière professionnelle. J’ai passé 10 ans là-bas, en jouant 6 jours sur 7.
C’est sûr que c’était super plaisant de vivre d’une passion que j’ai depuis tout petit. Je jouais contre des joueurs confirmés qui avaient un très bon niveau – surtout des basques et des espagnols, mais aussi quelques américains, et puis des cubains et des mexicains -. Mais quand on est un joueur pro, il y a toujours un moment où il faut penser à sa reconversion.
J’ai toujours aimé le bois et j’ai d’ailleurs fait des études en Production-Bois. Mais je ne pouvais pas apprendre le boulot de cestero – fabricant et réparateur de chistera – car en France, déjà les cesteros ne sont pas nombreux, mais ensuite, ils ne veulent pas transmettre ou partager leurs savoirs. Même pour mon stage de 3eme on a refusé de me prendre ! C’est donc à Miami que j’ai appris le boulot de cestero, et ce sont les personnes qui réparaient nos gants qui me l’ont enseigné.
«Tout ce qui est à l’intérieur de la pelote, de la réparation à la confection, c’est un mexicain pelotero depuis toujours qui me l’a appris à Miami.»
J’ai commencé à apprendre en réparant mes propres gants et j’y ai pris goût. J’ai fabriqué ma première petite cesta, ça a plu, puis j’ai eu 3 ou 4 commandes d’affilée. J’ai ensuite confectionné mon premier gant, et coup de bol, je l’avais super bien fait ! Je pense que c’est ce qui m’a poussé à continuer et à perfectionner mon apprentissage.
En ce qui concerne la réparation et confection des pelotes, avant de partir aux Etats-Unis, j’entraînais des jeunes dans le club de Saint Jean-de-Luz, et c’est là qu’un petit vieux m’a appris à réparer le dernier cuir, donc quelques bases du métier. Tout ce qui est à l’intérieur de la pelote, de la réparation à la confection, c’est un mexicain pelotero depuis toujours qui me l’a appris à Miami.
Cestero est un métier qui m’a toujours plu, et il n’y en a pas beaucoup dans le coin. Mon idée était donc de ramener mon savoir faire au Pays Basque, de travailler avec des clubs locaux et d’enseigner à mon frère pour finalement monter quelque chose avec lui, que ça reste familial.
Cela fait maintenant un an que je suis revenu, et mon frère et moi réparons et confectionnons uniquement la chistera et les pelotes qui vont avec. Nous ne faisons pas de pelotes pour les mains nues par exemple. C’est la spécialité que nous avons pratiqué en tant que sportif, et cela nous permet d’essayer les pelotes, de bien tester leurs rebonds.
D’où te vient cette passion pour la pelote basque ?
J’ai commencé à jouer à 6 ans en suivant mon meilleur copain du quartier. Son grand frère s’était inscrit à la pelote, il avait voulu faire pareil, et du coup, moi aussi.
En sachant qu’à Bidart, il y a 30 ans, on ne proposait pas beaucoup de différentes disciplines sportives comme maintenant. Il y avait seulement la pelote, le rugby et le surf; et encore, le surf commençait à peine…
Quelle est la personne qui t’a le plus influencé ou marqué professionnellement ?
Pour la confection de pelote, peut-être le mexicain qui m’a enseigné le métier. Il avait commencé à 16 ans à en faire son boulot, et à travailler dans le “jaï alaï” de Miami. Le jaï-alaï – du basque jai alai, « fête joyeuse » – est la cancha, le lieu où l’on pratique la cesta punta. Et aux Etats-unis, c’est carrément la cesta punta que l’on appelle le jaï-alaï. Donc le mec m’a enseigné tout son savoir faire, ce qui était vraiment très sympa de sa part, et c’est un peu grâce à lui que j’en suis là maintenant.
Pour les gants, c’est pareil, ce sont les personnes que j’ai côtoyées à Miami pendant 10 ans qui m’ont formé.
Les personnes qui nous réparent les gants et les pelotes sont souvent déconsidérées aux Etats-Unis, alors que sans elles, on ne pourrait pas jouer. J’avais un super feeling avec eux.
Sur quel projet travailles-tu en ce moment ?
J’essaie de faire de bonnes pelotes cesta punta pour les catégories Poussin, Benjamin et Minime. Et c’est assez difficile de trouver les pelotes adaptées à ces niveaux car elle doivent être ni trop vives ni trop molles. Donc en ce moment, on fabrique et on teste de nouveaux prototypes, et on espère que ça va fonctionner.
Pour les gants, je fais plus de réparations que de confection, car la confection d’un seul gant prend environ 25h, donc beaucoup de temps, alors je n’en fabrique que quelques uns.
Mais ce que j’aime bien, c’est personnaliser les gants en mettant un peu de couleur au niveau des pointes. C’est bien de se différencier un peu aujourd’hui.
Quel autre métier aurais-tu aimé faire ?
Surfeur professionnel, mais ça ne reste qu’un rêve. (rires)
Mes passions sont la pelote et le surf. J’ai pensé à un moment faire shaper, mais ils sont nombreux, et cela doit être un peu compliqué de faire sa place.
Ma reconversion, c’est celle-là, cestero et pelotero, et j’espère que ça va marcher.
Peux-tu nous donner un morceau de musique que tu écoutes en ce moment ?
Ayant vécu à Miami pendant longtemps, j’écoute beaucoup de musique latine. Mais là, comme ça, c’est un peu compliqué… (rires)
Ok, on peut dire Marc Anthony par exemple.
Y-a-t-il un endroit où tu aimes particulièrement aller ?
Près de l’eau, sur l’eau, et sous l’eau.
As-tu une autre passion ?
Je parlais du surf tout à l’heure, mais il y a aussi la plongée, même si je n’ai plus trop le temps d’y aller. La chasse sous-marine et la pêche, la pêche en kayak, en rivière… Tout ça sont des choses que j’aime. C’est pour ça que je suis rentré au Pays-Basque, pour essayer d’en profiter un peu plus. (rires)
As-tu une anecdote à nous raconter ?
Aux Etats-Unis, le public parie sur les joueurs. Quand tu gagnes, tu es le roi et on t’offre des cadeaux car tu fais gagner de l’argent. Par contre, quand tu perds, les gens te descendent. Donc pendant les matchs, le public te crie dessus constamment, mais le plus souvent, on n’écoute pas vraiment. La première fois que j’ai compris ce qu’on me disait, c’était une petite vieille de 80 ans qui était à 1 mètre de moi et qui était à bloc dans son pari. Elle me dit ”Mais qu’est ce que t’es nul dis donc ! T’es nul ! T’es nul ! Allez, vas t’en là-bas dans ta cage ! T’aurais mieux fait de ne pas venir.” (rires). J’ai halluciné car je n’étais pas du tout habitué à ça. Au Pays Basque, quand tu joues mal, on t’applaudit et on t’encourage en te disant que ce n’est pas grave. C’est là que l’on se rend compte que quand il y a de l’argent en jeu, ça ne rigole plus du tout.
Heureusement, à Miami, il y avait tout de même certaines personnes qui venaient nous regarder simplement pour l’amour du sport. Cela me fait d’ailleurs penser à une autre anecdote plus sympa, celle d’un passionné de cesta punta qui venait nous voir tous les jours. Il s’appelait Jorgeto, un retraité cubain qui nous racontait comment lui-même avait joué à la belle époque. Et un jour, pour mon anniversaire, il est arrivé avec un énorme gâteau avec mon nom dessus, et m’avait acheté un parfum… C’était super sympa ! (rires)
Penses-tu à une personnes que l’on pourrait interviewer pour 10point15 ?
Le mexicain qui m’a appris à faire les pelotes est malheureusement décédé il y a un mois le pauvre… Alors je dirais Victor Manuel Ramirez, un autre mexicain qui joue à la pelote à Miami, et qui répare et fabrique les gants.