En pleine canicule, Albane Simon nous ouvre les portes de son appartement perché au coeur de Paris. Cette illustratrice spécialisée dans le collage surréaliste nous reçoit en musique, au milieu des vinyles et des affiches de concerts qu’elle réalise depuis plus de dix ans. Nous avons tenté de lever le voile sur l’origine des visions apocalyptiques de cette passionnée inconditionnelle de musique. Albane Simon, Illustratrice à Paris.

Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ?

Je m’appelle Albane Simon, mais j’ai longtemps officié sous le nom D.Y.N. Je suis une illustratrice parisienne fanatique de musique hip hop.J’ai réalisé les pochettes d’albums de nombreux artistes internationaux issus de la scène underground.

Peux-tu nous parler de ton parcours ?

«Moi j’aime bien créer, inventer, ne pas suivre un truc prédéfini.»

Je suis arrivée sur Paris à 17 ans. Je voulais arrêter l’école, ce n’était pas pour moi. Mais j’étais trop jeune, j’étais encore mineure. J’ai alors suivi une formation en animation 3D, j’ai appris à faire du texturage et du modulage en post-production. C’était la seule école qui m’a acceptée, car je n’avais ni bac, ni diplôme. Je suis arrivée comme ça, par hasard. On avait trouvé cette école ensemble avec ma mère, dans un magazine d’art. J’ai suivi les cours pendant un an seulement. Dans l’école, l’ambiance était machiste, nous étions seulement trois filles, les profs n’arrêtaient pas de nous rabaisser.

Albane Simon, Illustratrice à Paris.

Une nana de ma classe partait faire du graphisme. Elle me disait que l’école était vraiment bien… je l’ai donc suivie. J’ai commencé par une prépa artistique “graphisme et illustration” en 2000, à LISAA. Puis j’ai enchaîné sur deux ans de graphisme et d’illustration, toujours dans la même école. On avait une heure d’illustration par semaine et je me suis rendue compte que c’était ce cours là qui me plaisait plus que les autres. Je ne suis pas fan du graphisme trop rigide avec de la mise en page et de la typo. Moi j’aime bien créer, inventer, ne pas suivre un truc prédéfini.

Comment est née ta passion pour le collage ?

J’adorais dessiner des personnages, mais je détestais faire le décor autour. Au début, je m’intéressais aux photos d’usines désaffectées. J’utilisais Photoshop pour incruster mes personnages dans ces photos, puis des petits objets par-ci par-là… C’est comme ça que j’ai commencé le collage. J’ai finalement arrêté de dessiner des personnages pour ne faire que du collage digital.

Albane Simon, Illustratrice à Paris.

D’abord, j’ai commencé par récupérer des vieux magazines dans les brocantes. Je les scannais et les prenais en photos. Puis je me suis rendue compte qu’il y avait sur internet des blogs et des banques d’images en haute définition qui étaient finalement beaucoup plus intéressantes. Ils offraient un choix plus large que les magazines que je trouvais. Avoir découvert ces nouvelles sources d’images m’a permis d’être plus productive.

  Albane Simon, Illustratrice à Paris.

Ensuite, je me suis tournée vers des éléments vintage des années 60-70, des éléments plus colorés. L’architecture, les meubles, les habits que portent les personnages dans les photos, c’est l’univers que j’aime. Et je ne l’ai plus quitté, c’est ma plus grosse banque d’images.

Albane Simon, Illustratrice à Paris.

Pour montrer mon travail, j’ai commencé à mettre mes illustrations sur Myspace. C’était vraiment axé musique et comme je suis passionnée de hip hop, je contactais tous les artistes que j’aimais bien. Ils allaient sur ma page, voyaient mon travail et me demandaient de faire leurs pochettes d’albums. C‘était un vrai échange et c’est ce qui m’a poussée, m’a motivée. Des gens soutenaient mon travail… c’est grâce à eux que j’en suis là maintenant.

Albane Simon, Illustratrice à Paris.

Il y a eu les deux beatmakers de Chicago, The Opus, qui m’ont proposé d’illustrer leurs sorties vinyles et cds. Ça me changeait des projets digitaux. J’avais vraiment l’objet dans les mains, ça n’avait plus rien à voir. Ça m’a donné envie d’en faire plein.

J’ai également co-organisé des concerts de hip-hop avec notamment SubtitleNoah23, Awol One, RiddloreBrzowskiRobustFactor… c’était aussi l’occasion de rencontrer les artistes. Il y avait un véritable échange, ils voyaient mon travail en vrai. J’ai par la suite réalisé les pochettes d’albums de la plupart des gens que j’avais rencontré.

Quelle est la personne qui t’a le plus influencée ?

Personne en particulier n’a vraiment influencé mon travail. C’est plutôt des mouvements artistiques tel que le surréalisme, ou encore le graffiti et les pochettes de bouquins de science-fiction qui m’ont influencée.

Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?

En ce moment, je travaille sur des guides pour la Maison du Whisky qui seront édités chez Flammarion. Il s’agit de trois guides, un sur le whisky, un autre sur le rhum et enfin un sur les cocktails. Donc c’est vraiment basé alcool. (rires) Ils me laissent carte blanche pour la réalisation des illustrations, c’est super intéressant. J’ai pu bosser avec un barman qui crée ses propres cocktails et qui est également vendeur dans l’une des boutiques de la marque. Il m’a montré les ingrédients qu’il utilise et je fais mes illustrations en fonction des recettes.

Albane Simon, Illustratrice à Paris.

Pour le guide sur le whisky, je prépare des illustrations un peu dans le même style que mon travail sur leur catalogue 2014. Pour ce projet là d’ailleurs, je ne pensais pas que mon travail serait retenu. Je pensais que mes illustrations seraient trop “dark” pour leur catalogue et en fait, non, ils ont adoré. Ils ont vu mon book et ont directement dit oui. Il y avait quand même pas mal de contraintes, pas mal de modifications à faire. Beaucoup plus que maintenant avec le guide, pour lequel ils me font confiance. Je peux travailler de manière plus ouverte.

 
Albane Simon, Illustratrice à Paris.

Grâce à eux, j’ai pu également participer au Whisky Live en septembre dernier, pendant lequel j’ai exposé mes illustrations personnelles et les illustrations que j’avais réalisées pour le catalogue. On les avait imprimées sur toile et sur papier de création. Sur toile, ça donnait du grain aux illustrations et sur papier texturé, les gens pensaient que c’était de l’aquarelle. Ils étaient assez surpris du rendu et cela a super bien marché. On a tout vendu !

Albane Simon, Illustratrice à Paris.

C’était très intéressant d’échanger avec des personnes de tous âges et d’un milieu totalement différent du mien. Pour le nouvel an, la Maison du Whisky a aussi réalisé une vidéo en motion design avec mes illustrations que je trouve géniale.

Par ailleurs, j’ai maintenant depuis un mois un agent d’illustrateur basé à Londres qui me représente. J’espère que ça va m’apporter du boulot!

Un morceau que tu écoutes en ce moment ?

Eh bien, ce qu’on est en train d’écouter actuellement… Vince Staples et son album Summertime ’06. Un jeune californien en plein essor, tous ses clips sont géniaux.

 
Albane Simon, Illustratrice à Paris.
Albane Simon, Illustratrice à Paris.

Sinon, il y a aussi Ichon, un rappeur parisien qui a récemment sorti “Cyclique”, un EP avec de très bons textes et instrumentales. Un mix de trap et de new school produit par Myth Sizer. Ses clips sont également très bien tournés, super carrés. D’ailleurs, il y a une de ses videos que j’adore, je la trouve très poétique. Elle a été filmée en GoPro à Étretat.

 

Une anecdote à nous raconter ?

Il y a quelques mois, j’ai pu rencontrer Run the Jewels, deux rappeurs de la côte est des États-Unis. C’était grâce à mon frère Jules, qui a gagné deux places avec La Blogothèque pour un concert privé tenu dans une petite salle restée secrète jusqu’au jour J. J’ai attendu la fin de leur show pour les aborder, j’avais pris un book de mes artworks avec moi. J’ai pris mon courage à deux mains et je suis allée parler à El P qui était attablé avec les organisateurs.

 
Albane Simon, Illustratrice à Paris.
Albane Simon, Illustratrice à Paris.

J’ai commencé à lui dire que j’étais une vieille fan du label new-yorkais qu’il avait créé en 1999, Definitive Jux et que j’étais ravie de le rencontrer. Je lui ai donné mon book, il l’a feuilleté et m’a complimentée sur mon travail. Killer Mike a jeté un coup d’oeil et a dit “Wow! On dirait du Dali! C’est génial!”. Il avait l’air vraiment impressionné et m’a même dit qu’il voudrait bosser avec moi sur une pochette !

Une passion particulière ?

Ma passion c’est la musique avant tout. Les chats et la musique (rires). Les jeux vidéos et les chaussures aussi, car j’en ai une tonne! C’est super original (rires)!

 
Albane Simon, Illustratrice à Paris.
Albane Simon, Illustratrice à Paris.

Un métier que tu aurais aimé faire ?

J’aurais aimé être architecte d’intérieur, j’adore la déco, le mobilier et l’architecture. Ou sinon disquaire pour partager ma passion du vinyle.

Quelle personnalité nous recommandes-tu de rencontrer pour 10point15 ?

Je vais citer deux potes.Ugly Mac Beer, un beatmaker et turntablist parisien qui produit depuis quinze ans. Il avait un groupe de trip hop, Modonuts. C’est aussi un amoureux du vinyle, il avait à l’époque un magasin de disques à Pigalle qui s’appelait Beatsqueeze, nous nous sommes connus à ce moment là.

Sinon, Walter Mecca est super intéressant aussi. C’est un rappeur, réalisateur, producteur qui fait la collection de VHS… il sample les bandes sons. C’est aussi un énorme fan de jeux vidéo. La NES, tous les jeux vidéo à l’ancienne, il en a une tonne, il en est complètement fou.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

 

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