Cette semaine nous partons à la rencontre de la talentueuse et obscure illustratrice Amandine Urruty. Cette passionnée du crayon nous ouvre sans concession les portes de son oeuvre où l’élégance de son trait est associée à un univers de l’étrange entre peinture classique et courants alternatifs. Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

Peux-tu nous parler de toi, de ton univers, de ton activité en quelques mots ?

Je m’appelle Amandine Urruty et depuis maintenant 8 ans je suis artiste et illustratrice. Je fais essentiellement du dessin et de temps en temps de grandes peintures murales. Je suis originaire de Toulouse mais parisienne depuis 2 ans et des brouettes. Je travaille principalement avec des crayons. Après avoir été très colorée et naïve, ma production à tendance à s’orienter vers le dessin en noir et blanc à la mine de plomb et mes personnages évoluent dans des univers de plus en plus obscurs. Je qualifierais mon oeuvre de baroque en équilibre entre l’élégance la plus noble et la vulgarité la plus crasse.  
Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.
Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.
Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

D’où te vient cette passion cet intérêt pour le dessin, la création ?

Je me souviens que j’ai toujours voulu être artiste. J’ai grandi dans le Gers, dans la campagne et je me rappelle que je m’ennuyais beaucoup à cette époque. Mes activités n’étaient pas très riches et se limitaient à la bibliothèque du coin et le poney-club du village. Cela m’a forgé un caractère un peu solitaire. Je passais mon temps à dessiner, chez moi, chez mes grands parents, un bout de papier et un stylo me permettaient de m’évader de ce quotidien insipide. Je n’envisageais pas d’autre parcours que celui de devenir dessinatrice. Pour la petite histoire, je pensais que pour devenir artiste il fallait forcément être professeur, je ne pouvais envisager le fait que l’on pouvait seulement vivre de son art. J’ai donc été à l’université à Toulouse jusqu’à un doctorat de sciences de l’art, de philosophie de l’art. Durant mes 8 ans d’études, j’avais rejoins un groupe de bossa nova avec des amis, je chantais assez mal, ce n’était pas mon truc mais cela m’a permis de commencer à réaliser toute l’identité visuelle de notre groupe : affiches, flyers, posters, etc. Nous faisions notre « propagande » dans toute la ville en allant coller nos affiches la nuit.

«Au final, je n’ai pas trop d’explications sur ce parcours, il s’est imposé à moi.»

C’est grâce à cette activité annexe et au fait de montrer mes dessins sur le web que j’ai été contactée pour mes premières commandes rémunérées d’illustration. Je me suis dis que la fac me faisait royalement chier, je sentais finalement que ce n’était pas mon truc. Je ne faisais qu’étudier des livres et écrire à leurs propos et peu à peu je perdais mon inspiration, je sentais que mon mode de vie avait tendance à assécher ma création. J’ai donc voulu tenter l’expérience d’assumer mes convictions et de me lancer totalement dans ce métier.

Au final, je n’ai pas trop d’explications sur ce parcours, il s’est imposé à moi. Je ne viens pas d’une famille d’artistes, mes parents m’ont toujours soutenu dans mon projet même s’ils n’avaient pas vraiment d’intérêt pour l’art.

 
Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

Quelle est la personne qui t’as le plus marquée, influencée professionnellement ?

Il y a plusieurs personnes. Quand j’ai débuté, j’aimais vraiment le travail de Ludovic Debeurme, un auteur de bande dessinée et illustrateur français basé à Paris. J’ai eu la chance de le rencontrer, il est très accessible et ses graphismes ont profondément marqué mon travail. Il a un univers qui me plaît beaucoup car ses dessins sont très bizarroïdes, un petit peu « crados » et inquiétants tout en ayant un graphisme fin et délicat. J’ai toujours été attirée par la dualité entre le monde du bizarre et l’élégance d’un traité graphique associé.

Aussi, j’apprécie depuis mon plus jeune âge des peintres comme René Magritte ou Salvador Dalí. Les peintres surréalistes ont beaucoup influencé ma vision de l’art. Je pense plus particulièrement à Jérôme Bosch, peintre néerlandais du XVème siècle qui travaillait beaucoup sur l’hérésie et le mysticisme. Il a produit, vers la fin de sa carrière, des oeuvres sacrilèges où le religieux se confronte au péché et à la damnation. Ces artistes très connus que j’ai découvert dans les livres de la bibliothèque communale ont beaucoup marqué mon travail.

Mais j’ai aussi de nombreuses autres influences… Je pense que tous les 5 ans j’ai un nouveau “Dieu” que j’adule et puis je passe au prochain (rires).

 

Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.
Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

Quelles sont tes inspirations artistiques ?

Aujourd’hui je suis très peinture classique, mes recherches ont beaucoup dérivé vers le répertoire de la peinture flamande par exemple. En étant enfant des nineties, tout l’univers graphique de cette période avec les jouets, les cartes à collectionner «les Crados», le Muppet Show, l’univers Disney, les dessins animés en général, l’univers de Miyazaki, se retrouvent beaucoup dans ma production. J’aime confronter l’univers que l’on pourrait appeler « pop culture », quelque peu nostalgique avec des références plus classiques.

Avant, mes personnages n’avaient, selon moi, pas la même tête. Je travaillais sur des sortes de poupées très colorées, maintenant leur forme tend à se rapprocher de personnages plus classiques tout en fourmillant de détails et références multiples.

 
Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.
Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?

Je travaille sur plusieurs expositions à la fois. La première se déroulera sous la direction artistique du collectif Hey qui produit aussi un magazine sur l’art moderne et la pop culture. C’est la troisième édition d’une exposition collective qui aura lieu le 17 septembre, à la halle Saint Pierre à Paris et pour laquelle je bosse sur un show en solo. Cette exposition est co organisée par Arts Factory, une galerie d’art parisienne qui me suis depuis 6 ans.

Le 18 septembre, je participerai également à une exposition collective avec de nombreux artistes à la Contemporary Art Space & Studio, une galerie basée à Tampa en Floride.

Le 19, je serai sur une autre exposition collective à Bruxelles avec des artistes avec lesquels je suis régulièrement présentée.Et en décembre prochain je présenterai une exposition solo à Portland et à Valence.

Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

En parallèle de la réalisation de toutes ces illustrations qui vont être amenées à voyager, j’ai réalisé mon premier travail en publicité et je bosse aussi à la réalisation d’un poster pour une grande marque mais je ne peux pas vous en dire plus pour le moment !

C’est à peu près tout mais cela va représenter beaucoup de travail pour moi.

 
Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

Un métier que tu aurais aimé faire ?

Animatrice radio ! Ne me demande pas pourquoi, je suis incapable de l’expliquer et je pense en plus que je n’aurais pas été très convaincante. Aux grands discours, je préfère un dessin qui parlera à ma place (rires).

Sinon, testeuse de jeux vidéos, ça, ça aurait été super cool (rires).

Un coup de coeur artistique à nous faire découvrir ?

J’en ai deux à vous faire partager. Il s’agit de mon “dieu” du moment qui s’appelle Jérôme Zonder. Il a remplacé Ludovic Debeurme (rires). Il est parisien et travaille principalement lui aussi à la mine de plomb… J’ai découvert son boulot au Lieu Uniqueà Nantes en 2013. Tout le staff ne parlait que de lui de manière très élogieuse. En février dernier, il a fait une exposition rétrospective intitulée « Fatum » à la Maison Rouge Fondation Antoine de Galbert qui m’a impressionnée.

«Je pense que tous les 5 ans j’ai un nouveau “Dieu” que j’adule et puis je passe au prochain.»

J’ai un second “dieu” en ce moment, il est américain et s’appelle Christian Rex Van Minnen. Il vit et travaille à New York. J’adore ce qu’il fait car c’est super dégueulasse et pourtant très subtil. Il combine la peinture classique, la nature morte et le portrait avec une représentation graphique mêlant protubérances, excroissances et autres déformations. On ne sait pas si c’est du végétal, de l’animal ou de l’humain. Une sorte de collection de gueules de tumeurs, très dérangeantes et à la réalisation plastique incroyable. On peut trouver des similitudes au travail de Francis Bacon mais avec une texture surréaliste bluffante lorsque l’on est face à ses tableaux.

Un morceau que tu écoutes en ce moment ?

Je n’écoute plus trop de musique. Je ne travaille pas dans le calme, j’écoute pendant mes créations, des reportages sordides sur des tueurs en série célèbres et tout le folklore qui les accompagnent. La musique me distrait trop alors que ces histoires me permettent d’être plus focalisée sur mon travail. Je les écoute sur Youtube, les “Faites entrer l’accusé”, les crimes et les enquêtes criminelles… Je suis incollable désormais sur les tueurs en série et mon « préféré » c’est Jeffrey Dahmer surnommé « le cannibale de Milwaukee » !

Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

Une anecdote à nous raconter ?

C’est hyper dur de me demander ça ! Mais j’en ai une qui me revient car on m’y confronte régulièrement. Les gens – lorsqu’ils découvrent mes dessins sans me connaître physiquement – imaginent que je suis grosse. En fait, on me dit un truc du genre « je pensais que tu étais bien plus… ronde » (rires). Ça doit être lié au fait que mes personnages, au début de ma carrière, étaient très potelés et dodus.   Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

Une passion particulière ?

Les saucisses ! La charcuterie en générale, mais la saucisse et plus particulièrement celle de Toulouse qui «crue mais tiède» est l’un des ingrédients du gloubi-boulga, la nourriture préférée de Casimir !   Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

Quelle personnalité nous recommandes-tu de rencontrer pour 10point15 ?

Vous pouvez rencontrer mon chéri, Nicolas Barrome qui est aussi illustrateur et vient de terminer sa première solo show à l’Attrape Rêve galerie intitulée « Bon appétit ». Je le trouve très fort et pas seulement parce que je ne suis pas objective (rires).

Sinon, vous pourriez interviewer un tueur en série, je pense par exemple à Guy Georges qui doit croupir pas très loin de l’endroit où l’on se parle (rires)!

Amandine Urruty, Illustratrice à Paris.

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