Violoncelliste au sein de l’Orchestre de Paris, Delphine Biron, 31 ans, est une artiste musicienne accomplie. Nous avons suivi cette jeune femme énergique, son violoncelle sur le dos, au cours d’une de ses journées bien remplie. Entre une répétition à la Philharmonie de Paris et un trajet en métro, elle nous accueille le temps d’un thé chinois et nous confie une partie de sa vie… Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Delphine Biron, je suis violoncelliste et exerce principalement au sein de l’Orchestre de Paris. Parallèlement à cela, je joue dans plusieurs formations de musique de chambre. J’évolue dans l’univers de la musique classique qui s’étend du baroque à la période contemporaine. J’ai travaillé auprès de maîtres spécialisés dans le baroque. Avec l’Orchestre de Paris, je joue principalement de la musique romantique mais j’affectionne aussi tout particulièrement le répertoire contemporain. De par mes rencontres, mes relations et mes amis compositeurs, j’évolue aussi dans les réseaux contemporains. Il y a un rapport au théâtre, au texte, au son, à la voix et au geste qui me plaît beaucoup. C’est une autre façon d’appréhender le métier d’instrumentiste. J’oscille entre ces trois univers qui forment le grand milieu de la musique classique aujourd’hui.

 
Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.
Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.
Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

Peux-tu tu nous parler de ton parcours ?

J’ai fait mes études au conservatoire de Nantes où j’ai eu une excellente professeur qui m’a très activement poussée à entrer au conservatoire de Paris. C’est ainsi que je me suis installée seule à Paris à l’âge de 16 ans. J’ai passé mon bac par correspondance. A 20 ans, j’ai reçu le prix du conservatoire de Paris en violoncelle et 2 ans plus tard j’ai intégré l’Orchestre de Paris. Je suis entrée très jeune à l’Orchestre puisque cette année, en novembre, je fêterai mes 10 ans.

Devenir membre de l’orchestre de Paris est une grande chance. Quel privilège d’être musicienne dans l’une des plus belles phalanges symphoniques européennes ! Nous avons l’opportunité de jouer avec de grands solistes sous la direction de chefs charismatiques et talentueux dans une nouvelle salle grandiose. C’est un cadeau d’aller tous les jours à l’Orchestre, j’en suis très heureuse. C’est une énorme infrastructure qui nous permet de partager la musique dans de bonnes conditions pour 2400 personnes par concert.

Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

L’énergie de groupe à l’orchestre est forte et inspirante. Néanmoins, pour l’équilibre, il est nécessaire de développer aussi un rapport plus individuel avec nos instruments. Entendre sa sonorité, expérimenter, chercher constamment à s’améliorer. Tout cela passe par un travail personnel, au-delà des pratiques collectives. Entre 2003 et 2005, j’ai obtenu mes deux prix de musique de chambre en sonate et quatuor à cordes au Conservatoire de Paris et ai réalisé à quel point c’était nourrissant pour moi de jouer ce répertoire de chambre. C’est important de se sentir bien… Quand on est bien, on peut donner sa plus belle énergie au groupe.

Comment est née ta passion pour le violoncelle ?

Cela s’est fait de manière inconsciente mais je suis contente que cela se soit passé comme ça. Mon père est musicien amateur et mélomane. Quand j’étais petite, il jouait du tuba et aujourd’hui il joue du cor dans un orchestre amateur à Nantes. Ma mère a fait du piano dans ma jeunesse. C’est peut-être là que j’ai entendu le piano pour la première fois. Le piano est toujours resté à la maison. Mon frère aîné fait du violon. Lorsque j’avais trois ans, mon père m’a acheté un livre de coloriage avec des notes de musique, et apparemment j’ai appris à lire la musique avant de savoir lire l’écriture. Mon père était très fier et disait à tout le monde « ma fille, elle va faire du piano, c’est certain! ».

Je n’avais pas envie qu’on décide pour moi ce que je devais faire. Par opposition, j’ai dit à 6 ans que je ne ferai pas de piano. On avait des disques de violoncelle à la maison et je ne sais pas trop, j’ai essayé plusieurs instruments et j’ai choisi cet instrument. Le piano est devenu mon espace de détente, d’amateur dans le bon sens du terme où je peux me faire plaisir. Il n’est pas associé à quelque chose de professionnel où j’ai une pression. C’est un instrument de cœur. J’écoute souvent du piano, très peu de violoncelle parce c’est devenu quelque chose de très sérieux. Mes journées sont remplies de violoncelle… j’ai besoin de fenêtre pour respirer.

Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

J’ai une tendance à l’hyper-activité. Mon remède est de prendre le temps de pratiquer des activités qui compensent ce que je fais à fond pour me sentir sereine, comme de la danse, du yoga, du chant. J’ ai également pris des cours de théâtre musical au Conservatoire de Paris. Ce sont des moyens de trouver d’autres formes d’expression qui enrichissent considérablement ma pratique musicale.

Quelle est la personne qui t’a le plus influencée ?

Ma professeur au conservatoire de Nantes, Danièle Mérand. Au préalable, j’étais dans une école de musique à Saint-Herblain avec une professeur qui m’a enseigné pendant huit mois le violoncelle. Elle m’a conseillé d’aller me présenter au conservatoire de Nantes. C’est grâce à cette audition que je me suis retrouvée à Nantes, dans une classe scolaire à horaires aménagées, entourés de musiciens et de danseurs. Je ne viens pas particulièrement d’un milieu social musical et si j’étais restée à Saint-Herblain, ma vie aurait été complètement autre, aujourd’hui je serais sûrement maîtresse d’école. Arrivée à Nantes, j’ai complètement été prise en main par Daniele Mérand, elle m’a beaucoup fait travailler et m’a portée jusqu’à Paris. Aujourd’hui je continue de penser à elle chaque jour et suis très reconnaissante de son enseignement. C’est ce que je trouve beau dans ce métier, ce sont vraiment les rencontres qui nous montrent le chemin et nous façonnent à chaque moment de notre vie artistique. Dans mes années d’études, j’ai été vers les bonnes personnes. Pour la musique contemporaine, ça été pareil.

Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?

À l’Orchestre de Paris, nous terminons la saison 2014-2015. Le programme est sympathique : Chostacovitch, Gerswhin…Pour l’occasion les sièges de la Philharmonie ont été retirés, comme au festival des Proms au Royal Albert Hall à Londres. Et en ce moment je travaille sur plusieurs projets en parallèle.

 
Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

Je fais partie d’un petit trio qui s’est constitué autour d’un projet de théâtre s’intitulant “Chuchotement parmi les étoiles” avec Françoise Limousi et Georges Bécot, comédiens – lui est professeur au Cours Florent et elle a écrit et mis en scène ce spectacle. C’est un spectacle autour des textes de Paul Claudel, René Char – entre autres -, où le violoncelle colore le texte. Nous avons des dates cet été. C’est une nouvelle forme de spectacle et de performances scéniques pour moi, de par ce rapport au texte. Je suis curieuse de nature et aime expérimenter de nouvelles formes artistiques, aller au delà de nos formes actuelles. Particulièrement aujourd’hui, il me semble nécessaire de se renouveler.

J’ai également une formation violoncelle piano avec Caroline Esposito. Nous avons un projet de disque. On redécouvre entre autre les œuvres méconnues du répertoire français de sonate de la fin du XIXème siècle, début XXème.

Le troisième projet est complètement atypique, avec Yann Dubost, contrebassiste solo à l’Orchestre de Radio France. C’est un grand ami, il était à l’Orchestre de Paris. Il n’y a pas énormément de répertoire pour contrebasse et violoncelle. On a commencé à faire des arrangements en cherchant aussi bien dans le passé avec Rossini, que dans le futur avec un ami compositeur, Ondřej Adámek, actuellement résidant de la Villa Médicis à Rome, qui a écrit il y a deux ans une pièce pour l’ensemble intercontemporain “Noise”. On lui a demandé de nous écrire un duo et il nous a écrit une version de chambre de cette pièce “Chamber noise”. La vidéo sera bientôt sur internet.

Qu’est ce que tu écoutes en ce moment ?

J’ai des journées très chargées en ce moment alors quand je rentre chez moi je n’écoute rien. Je m’abandonne au silence et cela me fait très plaisir. J’écoute souvent des Lieders de Schumann ou les Impromptus de Schubert ; souvent les dimanches j’écoute de la musique de Bach. J’ai besoin régulièrement de me “purifier” les oreilles avec cette noble musique. Sinon je mets de la musique à fond et je danse dessus, ça me détend bien.

 
Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.
Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

As-tu une passion particulière ?

J’aime beaucoup le théâtre. Ces deux derniers mois je suis allée plusieurs fois à la Comédie Française. C’est vraiment une passion, quand j’étais petite, j’aurais voulu être comédienne. Je fais aussi beaucoup de yoga car cela m’équilibre, cela permet de trouver une sérénité, de rééquilibrer mon espace intérieur parce que dans la musique on donne beaucoup. C’est important de se réaligner et de se poser dans son espace-temps.

Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

Un métier que tu aurais aimé faire ?

Ce que je fais, je crois. Quand j’étais jeune, je n’aurais jamais imaginé qu’un jour on me demande de faire une interview sur moi en tant que musicienne. Ça va au-delà de mes espérances. C’est un vrai cadeau. Ce n’est pas fini, il faut continuer à travailler, à avancer car rien n’est acquis. Aujourd’hui, j’ai envie de continuer à progresser. J’ai envie de reprendre le chant, d’explorer encore plus de choses autour du théâtre et de la danse. Je ressens le besoin d’explorer de nouveaux horizons.

«Je suis prête à bouger avec le temps»

Les choses dans la vie ne sont jamais ce vers quoi on se dirige, ça se passe toujours un peu différemment. J’ai envie de continuer à partager ma musique avec les gens que j’aime et à continuer à faire des choses intéressantes qui m’enrichissent sur le plan personnel et professionnel. Je ne suis pas contre l’idée de m’imaginer vivre à l’étranger. J’apprécie beaucoup la rencontre avec l’inconnu, je suis prête pour ce changement. Les choses évoluent dans notre métier parce que le public évolue. On doit réinventer des formes pour renouveler l’attention des gens. Il faut être prête à bouger avec le temps. Je m’imagine être épanouie.

Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

Une anecdote à nous raconter ?

Quand j’étais au premier cours de violoncelle à Saint-Herblain il y avait une photo de Mstislav Rostropovitch devant le mur de Berlin. Quand ma professeur est partie et qu’elle a su que je rentrais au conservatoire de Nantes, elle m’a donné cette photo. Les circonstances ont fait qu’il est venu à l’Orchestre de Paris et qu’on a eu la chance de jouer sous sa direction. J’ai eu l’opportunité de le rencontrer, de le fréquenter. Lors de son tout dernier concert à Paris, il s’en doutait sûrement, il nous a donné à chacun un crayon rouge, couleur de la Russie, parce qu’en tant que musiciens, on note les coups d’archets sur la partition, les indications d’interprétation du chef d’orchestre. Ce crayon symbolisait sont empreinte. Aujourd’hui je l’utilise toujours.

 
Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.
Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.

Quelle personnalité nous recommandes-tu de rencontrer pour 10point15 ?

Ondřej Adámek, un compositeur tchèque qui vit à Berlin. C’est une personnalité authentique, Ondřej a beaucoup de talent et de créativité, il commence à devenir un artiste réputé dans le monde entier. Mais il y a aussi mon archetier, Alexandre Aumont de l’Atelier d’Arthur situé dans le 17ème à Paris. Son métier est indispensable pour nous instrumentistes à cordes frottées! Ou encore Isabelle Weldon, ancienne professeur de danse de caractère à l’Opéra de Paris. C’est une très belle femme au tempérament passionné et engagé… c’est vraiment un personnage. Lorsqu’on s’est vues la première fois, on a eu l’impression de se connaître depuis toujours, c’était une rencontre très forte.

 
Delphine Biron, Violoncelliste à Paris.