Peux-tu nous parler de toi et de ton activité en quelques mots ?
Je m'appelle Thibaut Gleize, j'ai 30ans et je dessine. Je dessine principalement aux crayons de couleurs et à l’aquarelle, le plus souvent des animaux ou des hommes « un peu gros ». Sergeant Paper avait dit très justement que c’était des « bêtes aux allures d’hommes et des hommes aux allures bêtes ». Finalement, cette phrase résume assez bien ma démarche. J'aime beaucoup faire des choses absurdes qui font marrer !
Je suis très influencé par l’univers des années 80-90 pendant lesquels j’ai grandi. On baignait dans des films blockbusters plein de testostérone, des films comme “Big” ou “les Goonies”, des pubs toutes colorées, des dessins animés super cool, etc. On n’avait pas internet ; pour nous, “tout était beau, tout doré” dans cette aventure américaine faite de bouffe, de bmx, de gadgets... Je me souviens d’une publicité pour MacDo qui me faisait rêver : c’était l’histoire d’un gamin qui guidait une voiture télécommandée jusque dans un Mc Donalds, tout ça depuis sa chambre dans laquelle il avait installé une caméra. Arrivé au guichet, il appuyait sur un bouton, et là, un bras sortait de la voiture téléguidée avec un petit billet et un mot genre : « un happy meal s’il vous plaît », et la serveuse lui mettait la poche sur la voiture. Puis la voiture repartait dans la chambre de l’enfant. L’image finale était l’enfant qui mangeait son burger dans sa chambre. C’était tellement incroyable pour un gamin !
Parle-nous de ton parcours : d’où te vient cette passion pour l’art, la création ?
J’ai eu un rapport très chaotique avec l’école. Ce n’était pas fait pour moi; les seules matières qui me plaisaient étaient les arts plastiques et la géométrie. En 4ème, on m’a dit que la section générale n’était pas faite pour moi et j’étais tout à fait d’accord avec cette décision. Je suis donc parti en ébénisterie. J’ai passé un CAP, suivi d'une année de marqueterie. Même si je n’ai finalement pas pratiqué ces métiers, ça m’a apporté un savoir-faire, une sorte de méthodologie que j’applique dans mon travail quotidien. Aujourd’hui, j’ai toujours un rapport au bois. Par exemple, j’aime beaucoup les cabanes, cette idée de refuge que tu construis par tes propres moyens. Bart Simpson a sa propre cabane, et Denis la Malice aussi. Les cabanes te font rêver quand tu es enfant et j'en ai fabriquées dans le cadre d'installations ou d'expositions. Autrement, j’ai fait une formation d’infographie qui m’a permis de découvrir la beauté de la mise en page et des logos.
Quelle est la personne qui t’a le plus marqué professionnellement ?
Ce n’est pas une personne. C’est plutôt une ville : Montréal. J’y ai vécu 1 an après avoir fini ma formation en infographie. C'est une année qui m'a permis d'être au plus près de l’univers américain qui me passionne et dans lequel j’ai grandi à travers la TV. Je vivais dans un quartier qui était très "Québec profond", un peu “white trash” : on voyait les habitants sur leurs petites chariotes à quatre roues, il y avait des chiens et des gamins partout.
C’est une expérience qui m’a vraiment marqué par l'ambiance générale, la scène musicale, les amis que je m'y suis fait, le nombre inimaginable de fast food que j'ai pu goûter, les aller-retours à New York ou juste quand on allait skater le soir dans les petits parcs de notre quartier, et qu’on allait manger une pointe de pizza avec un Dr Pepper à minuit.
C'est à mon retour en France que je me suis mis à dessiner sérieusement; il y a quelque chose qui s’est libéré en moi, une sorte de déclic, bien que j’avais déjà fait beaucoup de graffiti et que je dessinais depuis tout petit. La différence, c’est qu’avant, je ne savais pas vraiment quoi "offrir" aux gens, je ne trouvais pas de sujets qui me plaisent vraiment, sur lesquels construire quelque chose.
«J'ai une grosse affection pour les gens enrobés»
Quelles sont tes inspirations artistiques ?
J’aime les gros à la plage, les beaufs, le “white trash”, par exemple on retrouve souvent le « slip kangourou blanc » dans mes dessins parce que le mec lambda porte ce genre de slip. J'ai une grosse affection pour les gens enrobés et j’ai décidé d'en dessiner parce qu’ils font parti de la population, de mon quotidien; il n'y a aucune méchanceté ou dénonciation de la malbouffe. Ils sont simplement plus marrants à mettre dans des situations absurdes.
J’aime beaucoup dessiner des animaux et notamment les chiens parce qu’ils ont toujours une petite allure fière. Quand tu mets le chien dans une position humaine, il devient facilement plus intelligent que l’homme. D’ailleurs, mes chiens sont souvent dessinés en position debout sur leurs pattes arrières.
Sur quel projet travailles-tu en ce moment ?
Le 2 février, avec la galerie Sergeant Paper, on sort une dizaine d’impressions pour la Saint Valentin, et l’événement s’appelle « Amour Chien ». On a préparé une belle tapisserie rose avec des cœurs saucisses, y aura des ballons, des bonbons en cœur… le tout plein d'amour ! Actuellement, on réfléchit à une auto-édition collective avec des amis. C’est encore au stade de projet, de réflexion, mais ça devrait vite avancer.
Quel autre métier aurais-tu aimé faire ?
Jardinier ! Parce que j’aime beaucoup les plantes ! C’est important pour moi de pouvoir évoluer entouré de végétation chez soi. Selon mes amis, j’ai la main verte, je m’en occupe bien alors que je n’y connais pas grand chose. J’aime bien faire des boutures pour tout le monde, rempoter des plants, etc.
Un artiste coup de coeur à nous faire découvrir ?
Medhi Beneitez. Il est sérigraphe à la Fabrique Pola à Bordeaux et surtout, un super illustrateur. C’est un mec super sympa qui n’est pas sur les réseaux sociaux, il fait son timide donc là il a pas le choix !
Notre première rencontre, ça a été quand je lui ai demandé me faire une affiche en sérigraphie. C’est après qu’il m’ait proposé d’éditer un livre "Braves Bêtes", entièrement sérigraphié en 130 exemplaires et numérotés sous son nom d’édition « Parasite ». On a décidé d’une thématique « les chiens » ; bon, après, il y a quelques saucisses qui se sont ajoutées… C’était la première fois que je faisais une série avec une vraie ligne directrice, c’est très motivant et le résultat final est super ! Medhi s’est surpassé sur la sérigraphie pour nous sortir un beau livre.
Un morceau de musique que tu écoutes en ce moment ?
C’est un morceau que j’écoute régulièrement : “CamelBlues” de Mndsgn. C’est un producteur de Los Angeles qui est chez Stones Throw.
Le clip se passe dans une friperie qui me rappelle les friperies "Le village des valeurs" qu'on trouvait à Montréal. C’est cool, très posé.
Une passion particulière ?
La collection de jouets. Ca a commencé par des jouets que je n’ai pas pu avoir quand j’étais gamin. De fil en aiguille, je me suis retrouvé avec des étagères et des cartons remplis. Je collectionne les jouets des années 80/90 comme les Real Ghostbusters, les Tortues Ninjas, les E.T, Gremlins, pas mal de pin's aussi, mais principalement les jouets Happy Meal à l'effigie de Ronaldland. J'habite sur la place Saint Michel et j’adore aller fouiller dans les puces ! Lorsque tu chines, ce qui est le plus marrant, c’est de chercher l’objet. C’est la chasse qui est la plus importante. J'ai plusieurs potes illustrateurs et collectionneurs de jouets. On fait des commandes groupées sur des sites américains, on se file des plans, on se chope des trucs les uns pour les autres.
Une personne que l’on pourrait interviewer pour 10point15 ?
Pauline et Stéphane de Disparate, une fanzinothéque de 10m2 qui a été créée à Bordeaux en avril 2013 par ce petit couple charmant. Mais c'est avant tout une librairie associative qui a fédéré beaucoup de gens sur Bordeaux dans le milieu de l'illustration et de la micro édition, et qui m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes. Ils sont très gentils, tolérants et ouverts. Ils ne font pas de tri ou de sélections arbitraires. Ils mettent en avant leurs adhérents par des projets collectifs, des micro éditions et la création du festival de la micro édition “Zinefest”, etc… Dernièrement, ils sont partis faire un tour de l’Angleterre durant 3 semaines avec l’atelier Mc Lane, ce qui a débouché sur une expo et une micro édition sous le nom "Britannia Stores".