Chanel Santin & Timothée Aubertin

Chanel et Timothée sont solaires et captivants, autant que se veut l’être leur très prochaine boutique « La Bahuterie » en cours d’aménagement au 9 rue des Bahutiers, à Bordeaux. Ce couple de menuisiers modernes a bien l’intention de dépoussiérer l’artisanat et de partager avec nous leur monde fait de bois et de créativité compulsive.

Est ce que vous pouvez nous parler de vous et de votre univers artistique ?

Chanel : Notre univers, c’est la rencontre entre le façonnage et la pensée. Tim a fait une formation de menuisier, moi des études d’architecture qui m’ont ouvert l’esprit à la création… De mon côté, j’imagine des formes et des concepts utopiques tandis que Tim passe par un chemin de « fabrique » et de techniques d’assemblage qui vont concrétiser les réalisations. De cette rencontre découle donc un produit fini et une force de spontanéité !

«Penser quelque chose le matin et l’avoir réalisé le soir-même, c’est une satisfaction personnelle incroyable.»

Timothée : À mon sens, notre univers c’est le bois, les matières dérivées et la création. Nous aimons faire les choses par nous-mêmes, sans réellement respecter des codes ou des figures imposées.

D’où vous vient cette passion pour votre activité ?

Chanel : Originaire de l’île de la Réunion, j’ai grandi avec la culture architecturale tropicale de la cabane sous le cocotier, entourée de maisons pour la plupart construites en bois. Lors de mon cursus en école d’architecture (à l’île de la Réunion, puis à Bordeaux), j’ai naturellement orienté la plupart de mes projets vers le bois, l’assemblage, et l’architecture sèche (sans béton). Avec le temps, j’ai éprouvé le besoin d’aller plus loin dans ma démarche et d’apprendre à fabriquer réellement de mes mains plutôt que derrière un ordinateur ou dans ma tête. Je suis donc partie à Paris pour faire un CAP d’ébénisterie à La Bonne Graine (l’école d’ameublement de Paris). Timothée : Je suis un passionné de bois. Depuis toujours, j’aime fabriquer. Trop speed pour l’école, je sentais que j’avais besoin d’autre chose. Je me suis alors orienté vers le bois - un peu par dépit au départ - et, plus la formation avançait et plus je me rendais compte à quel point c’était génial de pouvoir transformer des matières et mettre les idées que j’avais en tête à exécution ! Penser quelque chose le matin et l’avoir réalisé le soir-même, c’est une satisfaction personnelle incroyable. Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, Chanel connaissait le nom des outils, des processus de production et de transformation des matières. Plus qu’un simple alliage de deux corps de métier, il s’agit d’une réelle compréhension mutuelle puisque nous possédons un socle commun de connaissances autour du bois. Nous parlons le même langage dans nos créations.

Quelles sont les personnes qui vous ont le plus marqués professionnellement ?

Timothée : Damien Chauvin, mon formateur des Compagnons du devoir à Périgueux qui m’a beaucoup boosté et motivé. J’avais 15 ans.

Vos inspirations artistiques ?

Chanel : Le Japon et l’art japonais. Les Japonais sont très innovants dans les formes et dans leur manière de vivre, notamment avec l’art du Feng Shui. Tous les espaces sont plus ou moins contrôlés par des énergies et une force surnaturelle qui ne s’explique pas parce que profondément ancrée dans leur culture. J’aimerais beaucoup arriver à créer des espaces où les gens se sentent bien. D’ailleurs, je vous invite à découvrir l’artiste Tadao Ando à ce sujet.

Quels sont les derniers projets sur lesquels vous travaillez ?

Timothée : Depuis 6 mois, nous travaillons sur notre future boutique, bureau d’étude et de conseil, l’espace « La Bahuterie » situé au 9 rue des bahutiers, à Bordeaux. Le choix du nom n’est pas anodin puisqu’il fait référence aux bahutiers, ces anciens menuisiers du Moyen-Age qui confectionnaient des bahuts. Un clin d’œil historique qui donne une vraie symbolique à la boutique, d’autant que pour l’histoire, nous avions décidé d’un nom pour la boutique avant même de trouver notre local rue des bahutiers !

Qu’est-ce que vous auriez aimé faire comme autre métier ?

Timothée : J’aurais aimé être ingénieur. Fabriquer des mécanismes, des systèmes, être capable de dessiner des systèmes d’engrenage, de trappes secrètes… Je trouve ça carrément dingue.

Un artiste/coup de cœur artistique à nous faire découvrir ?

Timothée : Pierre-Loup AUGER qui nous a malheureusement quittés cette année, il avait 23 ans. C’était un artiste talentueux, dont les œuvres étaient assez psychédéliques. Après une première rencontre, j’ai dû lui préparer un skate pour un live painting. Il faut savoir que Pierre-Loup ne dessinait qu’en noir et blanc, alors, lorsqu’il m’a rendu mon skate tout en couleur, pour moi cela a signifié quelque chose et pour lui aussi j’en suis persuadé. Lora Zombie, la femme aux cheveux bleus. C’est une artiste qui travaille avec de l’encre et qui fait du grunge art.

Un morceau que vous écoutez en ce moment ?

En ce moment, nous écoutons beaucoup Sonia Spence.

Une anecdote à nous raconter ?

Notre projet de boutique/bar à matières, nous l’avons conceptualisé en rentrant tous les deux d’une soirée (rires). Nous avons déliré sur ce à quoi pourrait ressembler la boutique et c’est de là que le projet est né.

Une passion particulière ?

Timothée : Chanel Santin !Chanel : Timothée Aubertin (rires).

 

Quelle personnalité nous recommandez-vous de rencontrer pour 10point15 ?

Chanel : Waroox, un talentueux graffeur réunionnais.

Timothée : A la base ami d’enfance de Chanel, nous avons eu un échange qui a fait la différence lorsqu’un jour, je lui ai présenté mon travail et notamment mes planches de skate, et qu’il s’est senti inspiré. Le lendemain, il m’a rendu la planche que je lui avais donnée et j’ai été complètement bluffé par la complexité et la beauté de son travail. Jamais un artiste, un tableau ou une œuvre ne m’avait fait autant réfléchir. Waroox sème des énigmes et des symboles, c’est un artiste résolument déroutant que nous recommandons à 10point15 !