«Je travaille à l’instinct, je m’impose pas grand chose, je m’adapte, j’avise.»
Peux-tu nous parler de toi, de ton activité, de ton univers en quelques mots
J’ai quitté l’école en 2011 et je suis maintenant en freelance depuis 2012. J’ai rencontré des difficultés à vivre de mon activité, j’ai dû me trouver des petits boulots de saisonnier, à la mer ou à la montagne. Depuis un mois je suis graphiste chez Neg One, une entreprise qui fait de la flexographie, un procédé d’impression particulier qui permet d’imprimer en grande quantité. C’est cool, cela me permet de continuer à travailler sur mes dessins, mes peintures, mais surtout, cela me permet de sélectionner les projets auxquels j’ai vraiment envie de me consacrer. C’est que du bonus et ça me permet d’être plus sélectif.
D’où te vient cette passion pour le dessin ?
Je dessine depuis que je suis tout petit. Mes parents m’ont sensibilisé à l’art en général. Je voyais toujours mon père en train de peindre, de bricoler des trucs. Il s’accordait toujours une journée de la semaine pour que l’on fasse ce type d’activité ensemble. Ma mère m’emmenait souvent voir des expositions à Bordeaux, des salons de la BD, des boutiques d’art… et ça, c’est resté !
Je n’ai jamais décidé de dessiner ou même réfléchi à ce que j’allais en faire. J’ai toujours dessiné, je dessine tous les jours, une demi-heure, une heure. Certains font de la guitare, moi c’est le crayon !
Comment décrirais-tu ton univers ?
J’ai du mal à définir ma palette, mon style. Bien sûr l’humour est omniprésent, j’essaie d’être aussi spontané dans mes créations. Je m’inspire de pas mal de trucs mais je n’ai pas forcément beaucoup d’influences artistiques à proprement parler. Je ne me fixe pas de limites. Je travaille beaucoup en noir et blanc, le dessin, les blagues visuelles, les jeux de mots anecdotiques. Je ne mets pas d’étiquette à mon travail. Je pense qu’il suffit de poser le regard sur ce que je fais pour se rendre compte de mon univers. Tu y vois ce que tu veux, c’est du ressenti.
Quelles sont tes inspirations artistiques ?
J’ai pas mal de sources d’inspirations différentes. Avant tout la bande dessinée, qu’elle soit européenne ou américaine, Bastien Vives, Gus Bofa, Artz Spiegelman, mais je regarde aussi beaucoup la création contemporaine et les nouveaux créateurs que je trouve au gré de mes navigations sur le web. Je n’ai pas forcément de références suprêmes dans les domaines de la création.
A vrai dire, je suis fasciné par pas mal de gens sans forcément les utiliser comme une source d’inspiration. En ce moment par exemple, je suis captivé par Kanye West qui représente pour moi l’artiste pop poussé à son paroxysme. Les bonds qu’il réalise entre les différents métiers de la création, sa rupture avec les codes établis et surtout son ego démesuré, fait qu’il s’autorise tout et je trouve ça cool, je trouve ça marrant. Il me fait rire, c’est un mélange de haine et d’amour. Tu ne peux pas t’arrêter à une facette du personnage qu’il s’est construit tant il est complexe. Pourtant il fait plein de trucs nuls, désuets, mais il est content de le faire et c’est aussi un pied de nez à ses détracteurs. Son mariage avec Kim Kardashian, c’est quand même une énorme blague en soi. Il a une drôle de manière de gérer sa vie, son oeuvre et je trouve ça intéressant, ça me parle.
Je me suis aussi beaucoup nourri des dessins animés des années 90 et des livres d’illustration en tous genres. Gamin, je n’ai pas vu beaucoup de films, je n’avais pas le droit de regarder la télé, et la seule exception c’était “Ça Cartoon” le dimanche soir, qui était suivi de Tintin… Tous ces genres de trucs ont beaucoup alimenté mon univers et c’est quelque chose qui m’a beaucoup suivi de mon adolescence jusqu’à aujourd’hui. Cet attrait pour les cartoons m’a amené à regarder les Simpsons, Ugly Americans… En ce moment, je regarde Family Guy dès que j’ai du temps à perdre, ce genre d’humour me plaît. Grâce à ma mère, durant mon adolescence, j’ai pu également découvrir des films plus classiques ; comme l’univers de Takeshi Kitano avec notamment le film “A scene at the sea” sortie en 1981.
Quelle est la personne qui t’a le plus influencé dans ton travail?
Comme je l’ai évoqué, je suis un peu inculte en terme de repères artistiques graphiques. Je suis plus influencé par la musique et le cinéma que par mes pairs. Néanmoins, Charles Burns me vient en tête, et on se retrouve encore face à un mec dont la pratique est hyper large : dessin, photographie. Quand je vois ces planches de BD je suis fasciné par leur qualité, et leur complexité.
Sur quels projets travailles-tu en ce moment?
En ce moment je finalise une exposition pour le lancement de 10.15, mon nouveau travail de graphiste m’occupe aussi pas mal… Mais je viens de me lancer dans une collecte de 40 albums de musique qui m’ont le plus marqué, je les ai comparés et j’ai trouvé des similitudes graphiques. C’est marrant parce que je mets du Jeff Buckley à côté d’une pochette de rap français infecte et je me prends au jeu de voir des ressemblances. Alors j’écoute l’album et je fais une interprétation personnelle et illustrée de la pochette. C’est le début de ma recherche, ce n’est pas encore abouti. Je marche de manière empirique, à l’instinct, on verra ce que cela donnera avec le temps. Ça me fait marrer.
Du coup en graphisme pur et dur, je travaille sur la charte graphique complète d’un sophrologue, et celle d’un fastfood amené à devenir franchisé.
Je travaille beaucoup à l’instinct, je m’impose pas grand chose, je m’adapte, j’avise.
Un métier que tu aurais aimé faire ?
Dans tous les cas j’aurais fait un métier manuel. Menuisier, ça m’aurait bien plu. Les possibilités sont énormes, le travail de la matière, c’est une autre forme d’art pour moi.
Un coup de coeur artistique à nous faire découvrir ?
J’ai lu un bouquin récemment, qui m’a fasciné, Enig marcheur de Russel Hoban aux éditions Monsieur Toussaint Louverture. Cette maison d’édition est superbe, les bouquins sont magnifiques et les couvertures des bijoux. C’est donc l’histoire d’un gamin qui survit à l’apocalypse et qui écrit ses mémoires avec une rhétorique dégradée car le langage à disparu. Au début, tu mets du temps à assimiler l’écriture et tu te rends compte que l’auteur a utilisé cette démarche pour forcer le lecteur à ralentir sa vitesse de lecture, et de cette façon, saisir toutes les métaphores du livre.
C’est assez “chéper” mais dans le bon sens du terme et ce principe d’écriture m’a interpellé.
Un morceau que tu écoutes en ce moment ?
Ben là, je suis pas mal sur le dernier album de Kaaris. Il y aussi Action Bronson et son album Mr Wonderful auquel je ne m’attendais pas. Je le trouve vraiment réussi. Mais si je devais choisir un seul morceau, je reviendrais à Kanye West avec All Day.
Une anecdote à nous raconter ?
Wow, sur le vif là c’est compliqué ! Mais euh… rater ma première interview 10.15, ça serait drôle non? Il m’arrive plein de trucs cons tout le temps ! Il n’y a pas si longtemps j’ai fait couler un café sans mettre de tasse… Et je me suis cassé une dent en léchant un bol aussi ! L’anecdote pour moi, c’est que la vie est cocasse.
Une passion particulière ?
J’aime bien les femmes, elles me passionnent. Sinon j’aime beaucoup la musique c’est vraiment un truc qui m’intéresse. Mais si je dois choisir une passion, je dirais les femmes ! Qu’est-ce qu’on ferait sans elles ? J’ai toujours aimé les regarder, les dessiner et les toucher.
Quelle personnalité nous recommandes-tu de rencontrer pour 10point15 ?
L’éditeur dont je parlais tout à l’heure, Monsieur Toussaint Louverture. Je ne le connais pas vraiment et j’aimerai bien que vous fassiez ce travail de recherche à ma place. Si j’ai bien compris, il est seul à bord dans sa sélection de bouquins, moi j’en ai trois à la maison Enig Marcheur de Russel Hoban, Et quelque fois j’ai comme une grande idée de Ken Kesey et Price de Steve Tesich. Tu sens que c’est pensé et qu’il y a un réel investissement derrière. C’est positif de voir que des mecs se cassent le cul face à des gros éditeurs.