Après très certainement une semaine bien chargée, c’est dans une ambiance détendue d’un vendredi soir que Nicolas Thiboutot nous accueille dans les bureaux de Lost Boys. A côté de Mr Mouche, le chien mascotte, et autour d’une bouteille de champagne, ce parisien d’adoption nous “chante” à la manière de la Belle Province son parcours et son univers parsemé de pixels. Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.

Peux-tu nous parler de ton activité, de ton univers ?

Je suis né dans la belle ville de Québec, j’ai fait mes études et commencé ma carrière en publicité à Montréal et je vis maintenant à Paris.

Mon univers a été forgé par la scène underground et la culture musicale techno. J’ai travaillé pour le journal montréalais un peu “trash” le Mirror, ce qui me permettait d’être vraiment au fait de toutes les soirées et des évènements tels que les festivals Elektra et Mutek où la musique, la vidéo et toutes sortes de projets interactifs sont expérimentés. Pendant mes études, j’ai beaucoup travaillé la vidéo, expérimenté les nouveaux médias et fait pas mal d’expériences interactives. En effet, avec l’arrivée du logiciel Flash, on faisait de la vidéo interactive, des montages contrôlés via des modules programmés, et des projets un peu expérimentaux à l’image de Dérapages, un événement d’exploration visuelle qui présente des films non narratifs de moins de 3 minutes. D’avoir été plongé dans ce bassin de création hyper inspirant m’a donné envie de faire des projets sortant de l’ordinaire, qui attirent l’attention et qui utilisent d’autres moyens de communication que les moyens plus traditionnels, le tout en détournant les nouvelles technologies pour créer un message, et en particulier dans le milieu publicitaire, pour un public plus large.

 
Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.
Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.

Puis j’ai eu mon premier job dans la publicité chez Cossette, une agence montréalaise axée sur le digital. A l’époque, en 2005-2006, Internet et les médias digitaux explosaient – dans la publicité en tous cas – ; tout le monde essayait d’expérimenter plein de nouvelles choses et cela m’a vraiment donné le goût de continuer dans cette voie, de voir ce qu’il était possible de faire de “fun” et percutant en publicité, et surtout de faire des contenus que les gens allaient aimer.

«Notre mission est de créer de la publicité pour des gens qui la détestent.»

Ensuite, il y eu Lost Boys, un projet que j’ai créé avec Jean-Philippe Martzel, Frédérik Lung et Philippe Pinel. Lost Boys fait partie du groupe DigitasLBI et offre un service de stratégie publicitaire plus poussé. Cette agence nous permet de nous positionner et de nous ajuster face à tout types de clients, et aujourd’hui, nous pouvons travailler sur des petits projets comme sur des campagnes plus globales.

 
Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.
Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.

Le nom Lost Boys vient des enfants perdus de Peter Pan, les enfants qui ne veulent pas grandir – ce qui nous incarne bien finalement – (rires). Mais Lost Boys, c’est aussi les LB de DigitasLBI qui était à l’origine une petite agence de création s’appelant Lost Boys International. Nous sommes un peu retournés à la source de cette grosse agence, le principe étant de revenir à l’essence de la publicité et de la création; notre mission est alors de créer de la publicité pour des gens qui la détestent. Nous ne voulons pas imposer nos pubs, mais nous voulons plutôt que les gens s’y intéressent d’emblée.

D’où te vient cet intérêt pour le graphisme et la publicité ?

Déjà tout petit, je dessinais beaucoup; je m’amusais à refaire les personnages des dessins animés que je regardais.

Plus tard, j’ai joué dans un groupe de punk-rock qui s’appelait “Free Access”, et je m’intéressais peut-être plus à faire nos affiches de “show” qu’à faire de la musique en tant que telle. En fait, j’ai toujours été intéressé par l’art et le principe de création.

Mais ce qui fait qu’aujourd’hui, je fais de la pub, ce sont les publicités de Jean-Paul Goude, et en particulier celle pour Orangina qui selon moi reste un des plus beaux spots publicitaires. Quand cette pub passait à la télé, c’était d’une qualité incroyable pour l’époque (1984), d’autant plus que le niveau publicitaire au Québec n’était pas très bon. Jean-Paul Goude a eu une très belle période dans la pub, du coup, beaucoup de ses spots venaient jusqu’à chez nous. Celles qu’il a réalisées pour Lee Cooper sont très bonnes aussi !

Y a-t-il une personne qui t’a particulièrement marqué ou influencé professionnellement ?

«Bien faire n’est pas assez, il faut être excellent et captivant !»

Je pense à deux personnes en particulier.

Il y a d’abord Jean-Philippe Fauteux, un professeur qui enseigne l’animation à l’Université du Québec à Montréal. C’est évidemment grâce à lui que j’ai appris les techniques d’animation traditionnelles, mais surtout, il m’a dit un jour que si je ne faisais rien, il ne m’arriverait jamais rien. Il m’a appris à me “botter le cul”, à me pousser dans mes retranchements, et à ne compter que sur moi-même. Aujourd’hui, dans le milieu des films et dans toute autre production de contenu, bien faire n’est pas assez, il faut être excellent et captivant, si non, ton film ne sortira jamais.

Et la deuxième personne qui m’a beaucoup influencé est le fondateur de l’agence Taxi à Montréal, Paul Lavoie. C’est d’ailleurs dans cette agence que j’ai réellement appris sur la culture de l’idée et de la publicité.

J’ai vraiment rencontré Paul Lavoie peu de temps avant de quitter l’agence. Nous étions à New York pour le concours des One Show Awards car j’avais remporté un prix, et nous étions les deux seules personnes à représenter l’agence, ce qui nous a donné l’occasion de vraiment échanger. Ce mec est hyper intègre, hyper intelligent, et surtout hyper ambitieux. Il n’a aucune limite. Il a d’ailleurs créé son agence en 1992, en pleine crise économique, et ça a été un grand succès. Dans la vie, on a tendance à être pris par son quotidien; sans être vraiment paresseux, on se conforte dans une situation qui n’est pas mal, mais qui pourrait être mieux. Il m’a donc permis de réaliser qu’on ne doit s’imposer aucune limite dans la vie.

 

Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.
Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.

Ce sont donc les deux personnes qui font que j’en suis ici aujourd’hui. Je suis fier de Lost Boys ! Nous allons fêter notre première année, nous avons déjà une belle clientèle qui grandit, et nous avons reçu plusieurs récompenses à des concours internationaux. Et puis nous sommes une belle équipe ! On s’amuse et c’est “l’fun” ! (rires)

Quelles sont tes inspirations artistiques ?

Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.
Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.

Je regarde beaucoup ce qui se fait dans le milieu de l’art digital et de l’art en général.

Je trouve que les artistes digitaux ont bien compris comment ne pas tomber dans la démonstration technologique. En effet, souvent, les gens veulent montrer à quel point ils maîtrisent les nouvelles technologies, alors que chez les artistes digitaux, la technologie s’efface au profit d’un message, elle sert un propos. C’est donc cette dynamique là qui m’inspire, et c’est ce que nous essayons de faire chez Lost Boys. Lorsque nous utilisons des techniques un peu innovantes, ce n’est que pour supporter une idée qui est déjà forte; nous ne voulons pas que la technologie prenne le pas sur le discours ou l’idée.

Mais de manière générale, je m’inspire de tout ce qui se fait dans le domaine de l’art contemporain. Les artistes ont un regard différent sur les choses, un regard souvent pertinent sur notre société. Banksy par exemple, est capable de dresser en un panorama tout ce qui ne va pas sur cette planète, mais de façon hyper ludique et intéressante.

Quel autre métier aurais-tu aimer faire ?

Très jeune, je jouais de la musique, et je pense que j’aurais bien aimé être une “rock star” (rires). C’est surtout le côté mise en scène des concerts qui m’intéressait et que j’aurais bien aimé continuer. Même si finalement, lors des présentations de projets, il y a toujours un petit côté “show”. Mais je me suis vite rendu compte que jamais je ne réussirai à percer avec le peu de talent de guitare que j’avais (rires).

 
Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.
Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.

Quel morceau écoutes-tu en ce moment ?

C’est dur de te répondre Sophie, car mon gros problème aujourd’hui, c’est que l’on dirait que je n’aime plus la musique. J’ai de la difficulté à découvrir du son que j’aime.

Depuis que je suis en France, la dernière “track” que j’ai découverte et qui m’a vraiment plu est Ainsi Soit-il de Louis Chedid. Avec Everywhere de Fleetwood Mac, ce sont les deux “tracks” que je me mets pour avoir la pêche. Si non, le dernier morceau qui m’a fait “tripper”, c’est The Softest Hard de Easter.

 

As-tu une anecdote à nous raconter ?

Un jour, au travail, je me suis vraiment fâché contre un client et je l’ai même viré de l’agence. Il voulait complètement dégrader un super projet qu’on était en train de monter, et je me suis un peu emporté… J’étais encore jeune en tant que directeur de création, et aujourd’hui, je suis beaucoup plus relax (rires). Mais à l’époque, ça m’avait vraiment fâché, et finalement, nous avons décidé de ne pas faire le projet. Depuis ce temps là, chez Lost Boys, on me surnomme “Le Fou du Saint Laurent” (rires).

Y a-t-il un endroit où tu aimes aller ?

A chaque fois que je retourne à Montréal, je vais manger une omelette au chorizo Chez José. C’est pour moi un incontournable ! C’est un petit restaurant portugais qui est sur la rue Duluth, près de la rue Saint Laurent. La déco y est complètement pourrie, mais je m’y sens bien. A chaque fois que j’y vais, avec ma petite omelette et mon petit café latte, je suis aux anges.

Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.

As-tu un coup de coeur artistique à nous faire découvrir ?

Je suis assez “peine à jouir” en ce qui concerne les projets artistiques, mais ce qui m’a marqué dernièrement, ce sont les films et les mises en scène de Lizzie Fitch et Ryan Trecartin, des artistes vidéastes et plasticiens. Ils sont vraiment de la nouvelle génération et tous leurs films sont disponibles sur internet. Leurs films sont inspirés par la culture populaire, la culture télévisuelle, et ils ont une approche un peu psychotique. Ils utilisent plein de codes et d’objets de la culture populaire et sont vraiment dans la critique de la société. C’est un univers très particulier, un peu un collage à la Net Artmais en vidéo. Il y a aussi un aspect bi-dimensionnel car ils projettent également leurs films dans des salles qui correspondent totalement à la thématique de chaque film.

Une personnalité à interviewer pour 10point15 ?

Julien Vallée, un réalisateur montréalais qui travaille beaucoup sur l’objet et l’animation traditionnelle, et qui a travaillé avec nous sur le film Métamorphose pour Hermès, qui a d’ailleurs gagné un prix.

Nicolas Thiboutot, Directeur de création à Montréal - Paris.

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