Pouvez vous nous parler de votre activité, de votre univers en quelques mots ?
Laurent : Nous sommes peintres décorateurs et doreurs, des artisans à double casquette depuis bientôt 30 ans. Notre activité consiste à embellir les intérieurs, mais une grande part de notre travail s’exerce aussi dans la réhabilitation de meubles ou leur transformation. Notre métier c’est d’apporter une touche décorative dans les intérieurs grâce à l’imitation de matières : fausse pierre, faux marbre, faux bois, drapés, l’utilisation du trompe l’oeil, la peinture décorative plus classique ou via notre métier de doreurs.
Lise : Au départ, j’ai fait une formation de dorure et Laurent une formation de peintre en décor. J’étais donc plus à même de m’occuper de cette partie de notre métier mais nous tâchons toujours de mutualiser nos compétences. Depuis que nous avons créé notre atelier L’Décors nous essayons d’être vraiment polyvalents, ainsi, ayant toujours aimé le dessin, je m’occupe également de cette partie et Laurent a lui, appris la technique de dorure au cours de son parcours.
Laurent : Nous sommes complémentaires et interchangeables et nous devons être polyvalents dans cette typologie de métiers afin de maîtriser l’ensemble du process, de la réfection du mur aux dernières touches finales de pinceaux et de dorures. Plus notre palette est large et mieux c’est pour tout le monde.
Pouvez vous nous parler de votre parcours ?
Lise : Mon papa était sculpteur. Je pense que si j’ai suivi cette voie c’est sous son influence. Il faut savoir que je n’étais pas excellente à l’école et niveau dossier scolaire j’ai eu du mal à trouver une formation. J’ai alors rencontré des personnes qui faisaient de la cartographie, des cartes et plans de ville variés. C’était pour moi un point d’entrée dans un métier manuel et bien que ça ne soit pas réellement ce à quoi j’aspirais, j’ai pris plaisir à évoluer dans cette structure. Par la suite, j’ai bifurqué, en passant un CAP d’auxiliaire puéricultrice et j’ai travaillé en crèche pendant six ans. Je m’occupais souvent de la décoration ponctuelle du lieu.
«Quand on regarde quelqu’un travailler l’or, c’est vraiment hypnotique»
De cette expérience, j’ai réalisé que je désirais réellement exercer – en tant qu’activité principale – un métier manuel. Mon père m’a alors présenté à une de ses amies restauratrice de peinture, qui faisait aussi de la dorure. Quand j’ai découvert cette activité, cela m’a vraiment passionnée. J’ai suivi des cours du soir en dorure grâce à la Mairie de Paris et avec ce petit bagage et mon book de dessin, j’ai été frapper à la porte d’une très grosse entreprise de décoration parisienne qui cherchait à créer une équipe de doreurs. J’ai pu intégrer cette équipe et consolider mes acquis sur le tas avec la transmission des “anciens”. En parallèle, j’ai également réalisé une formation continue de deux ans via des des cours du soir à l’école Boulle en sculpture sur bois et en dessin/modelage.
Laurent : Mon père était également peintre décorateur dans cette fameuse entreprise parisienne pendant 45 ans, c’était l’époque où tu faisais toute ta carrière dans une seule et même enseigne ! (rires). Ainsi, il a démarré grâce à son CAP de peintre en lettres, puis il a évolué comme peintre décorateur. Moi, je suis entré dans cette même entreprise à l’âge de 16 ans comme apprenti. J’ai d’abord obtenu un CAP de peintre en bâtiment classique en deux ans, puis, j’ai étudié à l’Institut de Peinture Décorative de Paris(IPEDEC), tout en continuant de travailler. Je suis resté 25 ans dans cette boîte et j’ai énormément appris au contact des anciens.
Toutes les routes peuvent mener à ce métier mais pour nous, c’est vraiment cet esprit de transmission des générations précédentes qui nous a formé. De plus, la sensibilité transmise par nos pères a vraiment contribué à ce que nous sommes et faisons aujourd’hui.
Cela fait maintenant quelques années que nous avons déménagé à Bordeaux pour y fonder notre atelier L’Décors et vivre de nos rêves !
D’où vient cette passion pour la peinture décorative ?
Laurent : J’ai toujours un peu baigné dans cette ambiance. A l’époque, cette entreprise était vraiment une entreprise familiale et les collègues de mon père constituaient aussi son cercle d’amis. J’ai toujours été élevé avec les enfants des autres, on se retrouvait tous à l’arbre de noël de l’entreprise ou à d’autres occasions. J’ai toujours eu un pied dans ces ambiances, j’ai toujours gardé un oeil attentif sur ce que nos parents réalisaient. Mon père se déplaçait beaucoup pour les chantiers et me montrait toujours le résultat à son retour que ce soit une décoration peinte, un chantier de dorure ou de la peinture publicitaire. Après le collège j’ai tenté le coup et depuis je ne regrette vraiment pas mon parcours !
Lise : C’est un peu le même topo pour moi puisque comme je te le disais plus haut, mon père est resté artiste indépendant toute sa vie. Il avait donc aussi des copains du milieu ! Je ne sais pas si c’est le fait d’avoir baigné dedans mais j’ai toujours eu cette volonté de faire du dessin. Je dessinais énormément . La dorure est venue aussi comme ça, j’aurais pu faire un autre métier comme la peinture de vitrail mais je ne suis pas allée plus loin car je n’ai pas eu d’opportunités dans ce domaine. Ensuite, j’ai voulu faire de la restauration de tableau mais il fallait être bardé de diplômes, alors ce fut la dorure ! Quand on regarde quelqu’un travailler l’or, c’est vraiment hypnotique et c’est ce qui c’est passé pour moi. Je n’aime pas me cantonner à une pratique, j’aime la transversalité des domaines artistiques (rires).
Quelle est la personne qui vous a le plus influencé professionnellement ?
Laurent : Ce qui nous a forcément sensibilisé, on y revient, mais c’est forcément nos pères ! Toutefois, la personne qui m’a le plus influencé c’est un ancien collègue de l’entreprise de décor qui sortait d’une formation des Compagnons de France et qui m’a réellement formé. Puis je me suis révélé par la pratique car en entrant à 15/16 ans je ne savais pas si c’était la bonne voie, ma voie. Il y avait tellement à apprendre et à faire.
Quelles sont vos inspirations artistiques ?
Lise : C’est difficile pour moi de te répondre. Il faut forcément que l’on garde un oeil sur toutes les tendances et les styles de peintures… Il y a beaucoup d’artistes qui m’ont inspiré mais je ne peux pas en citer un car je n’arrive pas à me faire à une seule vision. Néanmoins, je reste attirée par la peinture du 18ème siècle que je trouve très intéressante par le choix de couleurs douces, l’emploi des patines… C’est une époque très poétique pour moi.
Laurent : Je suis passionné par la peinture impressionniste depuis tout petit mais, même chose pour moi, j’ai des difficultés à ne te citer qu’un seul artiste ou qu’un seul courant. Pour chaque époques, il y a des choses intéressantes. Je n’ai pas d’influences précises, ce sont des influences générales, plus globales. Néanmoins, Renoir, Monet, Manet, Sisley, restent des références pour moi. J’adore le côté technique et le perfectionnisme des peintures de ces peintres. Une fois que l’on connaît la peinture en décor, c’est impressionnant de voir ce qu’ils ont pu faire dans ce domaine. Aujourd’hui, il n’y a plus beaucoup de gens qui soient capables de travailler de la même façon en terme de peinture car on manque selon moi, de temps pour la pratiquer.
Sur quel(s) projet(s) travaillez vous en ce moment ?
Laurent : Nous travaillons nos supports de communication pour le quarante troisième Salon des Antiquaires et de l’Art Contemporain qui se déroulera à Bordeaux du 28 janvier au 5 février 2017. Nous avons travaillé des panneaux peints, inspirés des travaux de Gustave Doré sur les Fables de la Fontaine. Nous avons peint avec la technique de la grisaille sur des panneaux de bois.
Lise : En ce moment, je finalise une peinture décorative sur des portes, dans une maison particulière, avec des branchages et feuillages et des oiseaux. Proposer des idées à nos clients nous permet de trouver de nouveaux contrats car souvent, il nous faut soumettre des idées pour que les gens réalisent ce que nous sommes en mesure de faire dans notre métier. Parfois, il est difficile de se projeter dans la multiplicité des techniques que nous sommes capables de mettre en oeuvre.
Laurent : C’est à nous de sentir les courants et les demandes, il faut coller au bon moment.On a aussi un beau chantier que nous attendons dans un hôtel particulier bordelais. Il y aura du décor et de la dorure, nous sommes impatients de pouvoir débuter !
Un morceau, un artiste que vous écoutez en ce moment ?
Lise : Aglae et Sidonie pour moi. C’est le disque que notre enfant Hugo écoute en boucles ! (rires)
Laurent : Arrête ! (rires) Moi je suis passionné par le groupe Mop Mop, quatre italiens qui font un afro jazz funk transcendant ! Je les écoute en travaillant pour m’inspirer.
Un lieu où vous aimez vous retrouver ?
Lise : Sur mon vélo, dans la nature et en vacances, que ce soit à la mer ou à la montagne !
Laurent : Moi j’aime qu’on se retrouve à l’heure de la pause déjeuner pour profiter d’un bon petit plat et couper la journée. Sinon, j’aime me retrouver chez moi (rires).
Une anecdote à nous raconter ?
On a une cliente complètement addicte de la marque Chanel. Chez elle, tout est estampillé à l’effigie de la marque. Cela va du monogramme sur son parquet, à son plafond, en passant par les vitres qui sont également gravées ! Un jour, elle nous a soumis une commande complètement atypique qui consistait à réaliser un insert de cheminée en forme de gigantesque flacon de Chanel n°5 avec un bouchon en feuilles d’or. Nous l’avons fait, tout est possible en peinture décorative (rires) !
Une personnalité créative à nous recommander pour une interview 10point15 ?
On aimerait bien voir un portrait de Jean Louis Duverger. C’est un ami horloger qui s’est spécialisé dans la restauration de pendules anciennes. Il est en charge de la sauvegarde de l’horloge de la grosse cloche à Bordeaux, il lui rend visite chaque semaine (rires) !