Pouvez-vous nous parler de vous, de votre univers et de votre activité ?
Maria : Nous sommes Passport Vintage… J’ai nommé notre shop ainsi pour plusieurs raisons. Même si c’est un peu kitsch, c’est une ode à mon passé, à ce que j’ai traversé et vécu quand je suis arrivée aux États-Unis en provenance du Brésil. J’avais absolument besoin du passeport américain. Pour moi, il représentait le meilleur que l’on puisse obtenir à cette époque, une sorte d’idéal. Et en plus il est bleu (rires). Le bleu me renvoie toujours au denim, et le denim est pour moi, dans son style, une sorte de passeport à lui tout seul. Le denim peut t’amener partout, tu peux te mettre sur ton 31 avec, tu peux le porter plus décontracté. Il est emblématique, tout comme le passeport américain l’est pour moi. Notre fétichisme, c’est le denim et malgré ce que beaucoup de gens ont pu croire, nous ne sommes pas une compagnie qui vous délivre des passeports (rires).
«Notre fétichisme, c’est le denim (...)»
Nous sommes vendeurs de vintage. Actuellement, nous sommes présents en ligne et dans notre boutique dans la ville d’Austin au Texas. Parce que nous sommes spécialisés dans le denim et les tee-shirts vintage, notre vie consiste à voyager à travers les States à la recherche de pièces exclusives, et à les mettre en avant dans nos boutiques. Nous passons beaucoup de temps à préparer nos pièces avant de les mettre en vente. Contrairement à beaucoup de boutiques vintage, nous prenons le parti de laver nos pièces avant de les présenter, et d’intervenir sur certaines, afin de les mettre en avant sous leur plus beau jour.
Ryan : Je travaille chez Passeport Vintage aujourd’hui, mais avant, j’avais également un e-shop appelé Dive Vintage en hommage aux Dive Bars qui sont un peu l’équivalent des PMU français. Les Dive Bars sont vraiment les troquets un peu miteux, où tu peux boire des bières et des alcools bien “cheap”, clairement pas l’endroit le plus cool sur terre au premier abord, mais où on se sent finalement hyper bien (rires). Ils remplissent leur fonction principale avec brio, sans prétention. Ces bars ont toujours été des endroits où je me suis senti super à l’aise. C’est donc de cette expérience que j’ai tiré le nom de mon premier shop en ligne, car ces tee-shirts ont le même effet sur moi… Tu t’y sens bien quand tu les portes (rires).
Quand j’ai rejoint Passport Vintage, j’ai pris en charge la plupart des achats, et je suis toujours à l’affût et à la recherche de nouvelles pièces. Mais les tee-shirts sont clairement ma spécialité. Dénicher et trouver des pépites… C’est mon petit bonheur, mon truc à moi. Nous avons combiné “nos forces” et nos domaines d’expertises au sein de notre propre boutique…
Parlez-nous de votre parcours… D’où vous vient cette passion pour le vintage ?
M : À 21 ans, j’ai débuté ma carrière chez American Apparel, quand j’habitais encore Miami. J’ai clairement évolué et grandi avec cette entreprise. Je suis restée avec eux pendant 7 ans. J’ai été formée et j’ai évolué jusqu’à devenir directrice de la boutique centrale de Floride, pour ensuite devenir directrice de district pour toute la Floride. J’ai beaucoup voyagé et ainsi rencontré beaucoup de monde. Je pilotais des centaines de personnes, et devais avoir la main mise sur plusieurs boutiques à la fois; cette période fut très formatrice pour ma vie et ma carrière. En 2013, j’ai eu l’opportunité de partir sur Chicago et de devenir directrice de région également. J’ai adoré me retrouver dans cette ambiance urbaine. J’ai travaillé là-bas un peu plus de 2 ans. M’occuper de ce district ainsi que de celui de la Floride, c’était le challenge de ma carrière. Ce fut une période assez folle, et trépidante. Je travaillais à un rythme effréné. J’ai énormément appris sur le milieu du commerce, de la vente, du merchandising et de la mode. J’ai pu ainsi acquérir le b.a-ba et tous les fondamentaux nécessaires d’un business prospère. J’arrivais à la fin de ma vingtaine… J’avais l’immense envie de me détacher de tout ça, j’aspirais à autre chose, à faire quelque chose pour moi et devenir entrepreneur. Consciente de mon jeune âge, j’ai trouvé que c’était le moment parfait pour faire le grand saut, oser franchir le pas. J’ai alors créé Colony Vintage, mon premier shop en ligne sur Etsy. Nous avons démarré nos shops séparément avec Ryan, jusqu’à la convergence, au moment de notre arrivée cette année sur Austin.
R : D’une manière similaire, de mon côté, j’ai commencé à travailler aussi chez American Apparel à 21 ans, dans le Midwest. J’ai débuté ma carrière dans la ville de Wisconsin, et suis par la suite devenu gérant des stocks. Je suis parti peu de temps après sur le district de Chicago, où j’ai beaucoup évolué au sein de l’entreprise pour devenir gestionnaire de stocks. C’est là que nous nous sommes rencontrés. Tout comme Maria, j’ai beaucoup sillonné les Etats Unis pendant ces six ans et j’ai appris tous les tenants et aboutissants de ce métier. À la fin de cette période folle, je luttais contre l’ennui et le “burn-out”. Chaque jour devenait un réel combat. J’ai eu besoin de changements et j’ai alors trouvé un poste chez Columbia SportsWear Company, que j’ai quitté rapidement. C’est alors que j’ai démarré ma boutique en ligne sur le site etsy, en 2014.
M : En ce qui concerne ma passion pour le vintage, je pense que cela date de mon enfance, et surtout de ma phase pré-ado. Nous n’avions pas beaucoup d’argent, et quand il était temps d’aller faire le shopping de rentrée, mes parents nous amenaient souvent dans des magasins de seconde main, des friperies pour pouvoir tous nous habiller. Et j’adorais ça! J’ai beaucoup expérimenté – vestimentairement parlant – avec le vintage pendant mon adolescence. Puis en grandissant, j’ai commencé à me constituer une petite collection de vêtements, et dès que je trouvais “LA” pièce, j’avais toujours une tonne de compliments… Alors ça m’a fait tilt. Pouvoir porter ces pièces était libérateur, cela me changeait beaucoup de “l’uniforme American Apparel” que j’ai dû porter pendant 7 ans. Même si parfois je ressens un peu la pression de ne porter QUE des jeans, comme si les gens attendaient de moi que je sois un peu la sempiternelle vitrine de mon activité.
R : Ma passion pour le vintage vient de mon enfance aussi, et cela a vraiment pris de l’ampleur durant mes années lycée. J’ai moi aussi grandi au milieu des vides greniers avec ma mère. Et adolescent, j’avais l’impression que le vintage concordait bien avec mon “mood”, mes “kiffs” musique, etc. Le fait de ne porter exclusivement que des jeans aujourd’hui ne me déplait pas du tout ! Mes jeans complètent mes dernières trouvailles… J’aime que mes t-shirts soient des pièces parlantes. Parfois, des gens nous arrêtent pour me demander l’histoire derrière tel ou tel t-shirt ou prennent des photos… Ce qui saoule un peu Maria (rires)!
Quelle est la personne qui a le plus marqué votre parcours ?
R : À l’époque où je travaillais pour American Apparel et où j’ai eu les moyens d’évoluer, je ne savais toujours pas où je terminerai et ce que j’avais réellement envie de faire. J’ai la chance d’avoir toujours eu une famille très présente, mais je dois dire que tout a pris son sens quand j’ai rencontré Maria. J’ai toujours été secrètement ambitieux mais je n’avais pas les outils, ou la directive pour tout mettre en action. Maria m’a aidé à trouver tout ça et surtout à le concrétiser. Elle m’a apporté le “boost” et la confiance dont j’avais besoin. Elle m’a aidé à concrétiser le shop en ligne car j’avais du mal financièrement. Aujourd’hui, j’estime que mon métier est mon “dream job”. Ça a marché instantanément et j’y ai mis mes tripes. Je ne pense pas qu’elle aurait imaginé que cela devienne autant mon dada. Elle dit souvent “j’ai créé un monstre” (rires). Maria a la hargne, la hargne de réussir. Elle sait ce que c’est d’être en bas de l’échelle. Aujourd’hui, je ne me vois clairement pas envier le métier de qui que ce soit car je fais ce que j’aime. J’espère pouvoir continuer à être “chasseur de vintage” pendant encore longtemps.
M : Des personnes m’ont influencée à différentes étapes de ma vie. Comme Dov Charney, le PDG qui fut la personne la plus influente et marquante durant mon chapitre de vie chez American Apparel. J’ai travaillé à ses côtés pendant tellement d’années, j’ai beaucoup appris avec lui. Tout ce que j’applique, la rigueur que je développe dans mon nouveau business, je l’ai acquis grâce à tout ce que j’ai pu observer en travaillant si étroitement avec lui pendant toutes ces années. Depuis mon départ dans Passeport Vintage, la personne avec qui je travaille est Ryan, il a pris le relais là-dessus. C’est un gros bosseur et il me donne la motivation nécessaire afin de toujours essayer de me surpasser.
R : Nous comptons énormément l’un sur l’autre autant l’un que l’autre. Nous nous apportons de nouvelles inspirations afin de nourrir de nouvelles idées, ou pour trouver de nouveaux moyens de s’étendre et de se développer. C’est facile de céder à la fatigue, au stress, mais nous essayons de nous donner constamment la force nécessaire afin de garder la tête haute, afin de vivre notre expérience de vie et non la subir. Nous ne voulons pas nous reposer sur nos lauriers. Aujourd’hui, nous sommes très reconnaissants de ce que nous avons mais ce n’est pas un dû. Quand je regarde Maria, j’ai l’impression que plus jeunes tout nous opposait, je n’avais pas de but, mais sans en avoir peur. Elle, par contre, a toujours été entraînée et poussée par la peur. Réussir était plus un moyen de salut pour elle, une échappatoire.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
M : Niveau jean, cela vient de différentes choses… Cela remonte à notre première rencontre, toi Alison et moi, aux alentours de nos 9 ans. Ta mère était le symbole du “french glamour” à mes yeux. J’ai toujours été fascinée par le style des françaises. Le “french flair” comme on dit aux Etats-Unis. Ta maman l’incarnait à la perfection. J’ai toujours été vraiment en adoration devant ses tenues, pourtant portées avec un naturel sans nom… Et cela m’a suivi jusqu’à aujourd’hui. J’aime les pièces intemporelles, d’où la place qu’ont pris le jean et le denim dans ma vie aujourd’hui. Avec American Apparel, j’aimais l’accent porté sur les coupes simples et épurées. Chez Passeport Vintage, nous vendons des jeans aussi iconiques que des Levi’s 501, et tous les “mom” jeans des années 80-90. Et la demande est incroyable. Nous avons des clients internationaux. Mais il est facile de se tromper avec des pièces qui sont toujours d’actualité. Pour rester à la page et répondre aux multiples demandes et envies de notre clientèle, nous cherchons constamment la perfection. De là nous est venue l’idée de faire appel à une brodeuse pour personnaliser certaines pièces. En ce moment, elles sont très inspirées par le Texas. Et puis ensuite on verra. Pour les clients qui le souhaitent, nous apportons des modifications en terme de coupe notamment. Certains veulent des genoux encore plus usés…on le fait ! Plus on évolue, plus nous avons l’opportunité de recycler et redonner vie à ces pièces. Pouvoir voyager afin de rechercher du Vintage, c’est une chance inouïe. Un cadeau incroyable. Et puis, quand les gens connectent avec une pièce, quand je vois une fille essayer un Levi’s qui lui va comme un gant, ça me rend heureuse.
R : Pour les pièces hommes, mon inspiration principale provient de l’influence des années 90. Je cherche des articles avec lesquels les gens peuvent s’identifier ou se lier. Cette culture 90 américaine, très influencée par les sportifs, les séries TV, les groupes de musique. J’ai clairement été un gosse qui a grandi avec la télévison, je n’ai jamais raté un seul épisode des Simpsons par exemple. Et aujourd’hui, je ne suis pas le seul à me rendre compte que les années 90 s’immiscent à nouveaux dans ce que portent les gens. C’est à la mode. Des jeunes qui n’ont pas connu cette période portent du old school Guess, du Tommy Hilfiger et du Fila. Le vintage ne vieillit pas ! Justin Bieber remet au goût du jour des tee-shirts de groupes de métal et les rend “mainstream”. Je trouve ça dingue, ça me fascine. Et on répond aussi à cette demande.
Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?
M : Notre plus gros projet actuellement, c’est clairement notre boutique à Austin. Nous allons vivre nos premières périodes de fêtes depuis notre ouverture il y a 3 mois. Nous sommes super enthousiastes et excités par l’idée de voir cette boutique évoluer. Semaine après semaine, nous organisons des événements pour promouvoir les nouvelles collaborations et pour continuer à nous faire connaître sur cette ville.
R : Je pense qu’aucun de nous n’avait anticipé l’ampleur que prendraient nos boutiques en ligne. Nous n’avions même pas touché du doigt l’idée que nous pourrions un jour devenir une référence américaine en terme de denim. C’est clair que c’était un rêve. Et à la fois ce n’était pas notre but. Pour être honnêtes, notre objectif numéro un était avant tout de gagner suffisamment pour vivre de cette activité (rires). Le reste a suivi. Nous nous sommes réellement investis et nous avons sauté sur chaque opportunité qui nous a été offerte. L’ouverture de cette boutique n’était pas prévue. Mais nous voulions nous établir sur Austin car c’est une grande plaque tournante du vintage sur la côte et une rencontre nous a amenés à acquérir ce local.
Un conseil à donner à quelqu’un qui voudrait se lancer dans cette activité ?
M : Quoi que vous cherchiez à vendre, faites toujours en sorte qu’il y ait un marché pour. Concernant le monde du vintage, j’ai écrit un e-book il y a un an. Il explique étape par étape comment vendre des pièces sur Etsy, et vous y trouverez aussi tous les conseils que j’ai suivis quand j’ai voulu faire de mon e-shop mon gagne-pain à plein temps. Le livre s’intitule “How to pay your bills selling vintage clothes on Etsy“. Je suis aussi sur le point de lancer une formation en ligne qui donne un enseignement plus en profondeur de cette technique. Avec des vidéos et tous les conseils nécessaires afin d’apprendre le b-a ba de la vente vintage sur cette plateforme. Je pense qu’ouvrir une boutique en ligne est la meilleure chose que les gens puissent faire avant de se lancer dans une réelle vitrine. Et à mes yeux il n’y a pas mieux qu’Etsy.
Un morceau que tu écoutes en ce moment ?
R : “No Woman” par Whitney, c’est un groupe local de Chicago et cette chanson me rappelle mon passé là-bas.
M : Pour moi c’est la chanson “Julia” de SZA, dès que je la passe, cela me met de très bonne humeur.
Une anecdote à nous raconter ?
R : (rires) Il y a une anecdote en particulier… C’était lors de ma toute première vente en ligne. J’était tellement content ! Un enfant hystérique ! Je venais de vendre un teeshirt pour 18$ – ce qui n’est pas grand chose mais c’était ma toute première vente internationale – et je n’avais clairement pas réalisé que les frais de port étaient assez conséquents, j’en avais vraiment pas demandé assez… Et après l’envoi, je n’avais fait un bénéfice que de 1$ (rire). Ce fut une expérience aigre-douce. Mais c’est tellement représentatif de notre expérience acquise au fil des années. Une réelle courbe d’apprentissage à laquelle nous n’avons pas échappé. Et c’est ce qui rend le reste encore plus appréciable.
Un lieu où vous aimez vous retrouver ?
M : On t’aurait répondu Austin à une époque mais plus depuis qu’on y travaille (rires)! J’aime toujours autant partir et chiner à travers les États-Unis. Nous avons encore tellement de choses à voir. Un de mes endroits préférés : Detroit.
R : C’est une super ville, un de mes endroits préférés aussi. Détroit est une ville tellement intéressante ! Elle a une réputation assez folle mais c’est fascinant de la vivre par soi-même. Tu entends toutes ces histoires qui parlent du fait que Detroit est en train de s’effondrer, que certains quartiers sont très ghettos, et c’est en partie vrai. Tu ne le comprends pas tant que tu n’y es pas confronté. C’est assez dingue mais il y a tellement de richesses nichées et cachées au sein de cette ville aussi. Il faut se donner la peine de les trouver pour les apprécier.
M : Il y a un quartier rempli d’entrepôts… Il n’y a littéralement rien d’autre autour. Mais tu tomberas sur un café super mignon dans cette zone industrielle qui ne s’y prête pas du tout. Il y a tellement d’innovation dans cette ville ! C’est assez incroyable de pouvoir être témoins au fil des années de la reconstruction et de la renaissance de Detroit.
Quelle personnalité nous recommanderez-vous de rencontrer pour 10point15 ?
Nous aimerions clairement vous présenter Die Trying TX. Une compagnie locale de Broderie au point de chaîne avec qui nous travaillons, fondée par Lacy Van Court qui utilise les mêmes procédés de machine manuelle qui ont été utilisés pour créer les vêtements traditionnels western. Die Trying TX offre une ligne de pièces uniques. Cette méthode de broderie lui a été transmise par sa grand-mère. C’est un artisanat si beau, mais d’un labeur incroyable. C’est une artiste que nous admirons.