Odö, peux-tu nous parler de toi et de ton activité, de ton univers en quelques mots ? Et d’où vient ce pseudo ?
Je m’appelle Nicolas Leborgne, j’ai 32 ans, et j’officie en tant que peintre sous le pseudonyme d’Odö. Ce pseudo, je l’ai choisi à l’époque où je faisais du graffiti mais il faut savoir qu’à l’origine, je signais Odöra. Toutefois, comme mes traits étaient toujours fins et “féminins”, beaucoup pensaient que j’étais une fille (rires) alors c’est devenu Odö. Aussi, j’aime beaucoup le fait que cela soit un palindrome, ce n’était pas voulu, mais pour moi, cela correspond à la manière dont je peins puisque j’intègre énormément de symétrie dans mon travail et que mes peintures peuvent avoir plusieurs niveaux d’entrée et de sortie lorsqu’on les observe.
Entre 2008 et 2014, j’ai fait beaucoup d’expositions et mes oeuvres se sont pas mal baladées autour du globe notamment au sein de galeries comme la SpaceJunk à Bayonne, Fecal Face à San Francisco, la MOHS au Danemark ou encore Mondopop à Rome.Ensuite, 2015 a été une année charnière car le commerce de l’art étant ce qu’il est, trois de mes quatre galeristes ont dû fermer cette année-là. Impacté en conséquence, cela m’a poussé à reprendre mon activité de graphiste, en plus de la peinture, mais je ne m’en plains pas! J’aime être constamment occupé et c’est clairement le cas en ce moment.
Ainsi, depuis cette année charnière, parallèlement à ma peinture, je travaille à plein temps comme designer dans l’industrie textile, dans un bureau de création d’une grande marque de surfwear. Je travaille sur les collections à venir, je crée des motifs « all over », je joue avec les typographies, les tendances à venir, etc.
Cette activité m’occupe à temps plein, et pour ce qui est de mes soirées et de mes week-ends, ils me permettent de me consacrer à la peinture pour mes expositions (rires). J’aime être constamment dans une dynamique de production.
Beaucoup de gens ne connaissent d’ailleurs que mon activité artistique et je préfère ça.
S’agissant justement de cette activité, mes créations se construisent sur trois axes, toujours articulés autour du travail du trait et de son graphisme. Il y a un premier axe abstrait, imaginaire, puis un second axe plus influencé par un mélange d’iconographies tattoos et de personnages issus de la culture populaire globale (Disney, The Simpsons, etc..). Enfin, il y a un troisième axe plus surréaliste avec des personnages très souvent féminins et oniriques, avec des visages humains ou non, entre rêve et réalité. Dans mes productions, beaucoup de symbolique et d’ésotérique s’entremêlent.
D’où te vient cette passion pour la peinture ?
J’ai toujours dessiné, depuis mon plus jeune âge. Il y a de nombreux créateurs dans mon entourage et mon grand-père dessinait beaucoup, ça m’a toujours fasciné. J’ai donc été poussé dès le berceau dans cet univers et je n’ai jamais lâché mon crayon par la suite.
«J’aime produire une oeuvre, la réfléchir, passer un temps infini sur des dessins…»
J’aime produire une oeuvre, la réfléchir, passer un temps infini sur des dessins, à répéter des traits, des dégradés puis dans un second temps, faire encadrer ces peintures et mettre en place une exposition. C’est intéressant de voir l’évolution de son travail au fur à mesure des années. Je suis vraiment passionné par tout ce processus de production et de recherche d’une écriture personnelle.
Quelle est la personne qui t’a le plus influencé professionnellement ?
Mon vieil ami Benjamin Jeanjean je pense. On a démarré ensemble nos travaux respectifs pendant nos études de graphisme et on ne s’est jamais lâchés par la suite. A l’époque, nous avions monté un petit collectif, le « WicheClub », au sein duquel nous collaborions à la production d’éléments en commun, on dessinait sans cesse et on s’influençait beaucoup. Plus tard, nos chemins artistiques ont pris des directions différentes mais son influence m’a vraiment mis le pied à l’étrier et a été déterminante sur ma carrière.J’aime vraiment assister à chacun de ses projets, voir ce qu’il va encore réussir à faire pour nous surprendre avec son travail. Il est très fort !
Quelles sont tes inspirations artistiques ?
Oh, elles sont si larges ! Pour ne citer que quelques noms je dirais : Mark Ryden, Ed Templeton, Glenn Brown, Georges Condo, Barry Mcgee et Jonathan Yeo qui sont pour la plupart des artistes contemporains issus de contre-cultures comme le graffiti ou le skateboard. Pour mes références plus “classiques”, je citerais Jérôme Bosh, Gustav Klimt, ou Egon Schiele… Et il y en a tellement d’autres!
De façon plus générale, j’aime le travail de la peinture et du détail, le travail du trait mais aussi la peinture conceptuelle. J’aime les artistes qui se réapproprient des codes issus de médias populaires et les artistes surréalistes.
Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?
Outre mon activité dans le textile, je suis en pleine préparation de formats pour une exposition collective avec la galerie Spacejunk. L’exposition sera présentée à Bayonne, Grenoble et Lyon. Je bosse aussi sur mon exposition solo qui sera dévoilée en juin 2017 toujours avec la galerie Spacejunk, et ça, c’est le gros morceau (rires).Prochainement, je présenterai aussi des pièces au sein de la galerie Barthelemy Bouscayrol à Biarritz.
Un métier que tu aurais aimé faire?
Ce n’est sûrement pas très original comme réponse mais en tant que peintre, je dirais cuisinier ! J’aime cuisiner, mélanger les produits, les couleurs, tester de nouveaux plats et donc de nouveaux goûts. C’est aussi de la haute création selon moi !
Un artiste coup de cœur à nous faire découvrir ?
Je suis fasciné par les productions de Glenn Brown, un peintre anglais très célèbre pour ses oeuvres entre surréalisme et pop art. Il réalise un travail monumental sur les détails, les couleurs et les matières… Ses peintures font de lui un des plus grands peintres de ce siècle, oui, carrément (rires) !
Un morceau que tu écoutes en ce moment ?
Le morceau qui passe en ce moment même, Léonard Cohen, So Long Mariane. Léonard Cohen est un artiste que j’adore et dont l’oeuvre n’est plus à présenter, c’est vraiment un de mes classiques.
Une anecdote à nous raconter ?
Plus qu’une anecdote, j’ai une sacrée manie. Lorsque je peins, j’ai sans cesse tendance à mettre mon pinceau dans la bouche pour le plaisir de voir ses poils bien alignés. Le problème, c’est qu’au final, vu le temps que je passe à peindre, je mange beaucoup d’acrylique et d’aquarelle… Ca fait un moment que ça dure, mais je crois que ça me plaît bien… (rires).
Penses-tu à une personne que l’on pourrait interviewer pour 10point15 ?
Je vais de nouveau vous parler de Benjamin Jeanjean d’autant qu’en ce moment, il progresse énormément. Il parvient à constamment se renouveler. Il raconte des histoires incroyables à travers son travail. Par exemple, à l’occasion de sa dernière exposition à Vienne, il a travaillé en collaboration avec des familles de réfugiés politiques. C’est un artiste qui s’implique et je trouve que c’est important aujourd’hui.